Pour chaque drame il faut un coupable. Alors que des incendies hors de contrôle ravagent la ville de Los Angeles depuis quatre jours, Donald Trump a mis en cause le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, pour sa gestion de l’eau à l’échelle de l’État. Mais les regards se tournent surtout avec insistance vers la maire démocrate de la ville, Karen Bass. En déplacement en Afrique quand les feux se sont répandus, elle est accusée d’avoir amputé le budget 2024-2025 des pompiers de la cité des Anges de près de 18 millions de dollars, devenant ainsi la responsable idéale de la propagation des flammes.
Dans le détail, la somme allouée aux pompiers est passée de 837 à 819 millions de dollars. Cette baisse implique la suppression de 73 postes civils vacants et une réduction de 7,9 millions de dollars des fonds destinés à payer les heures supplémentaires des soldats du feu. Comme saisi d’un mauvais pressentiment, le chef du département des incendies de la ville, Kristin Crowley, s’était particulièrement inquiété de cette dernière restriction dans une note datée du 4 décembre.
Moins de moyens pour réagir aux urgences à grande échelle
Dans ce courrier adressé au conseil des commissaires des incendies, Kristin Crowley estimait que ces coupes budgétaires avaient déjà eu «un impact négatif sur la capacité du département à maintenir ses opérations de base», mais aussi «à se préparer, à s’entraîner et à réagir aux urgences à grande échelle, y compris les incendies de forêt». Une alerte à titre préventif qui s’est dramatiquement confirmée un mois plus tard.
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La situation financière est en réalité plus complexe. Lorsque le budget annuel a été approuvé en juin dernier, la ville et le sydicat des pompiers étaient en train de négocier un nouveau contrat pour les augmentations de salaires, souligne le New York Times . Ces fonds ont été approuvés séparément, en novembre dernier, et transférés dans un second temps vers la caisse des pompiers. En réalité, comme l’indiquent nos confrères, le budget total des pompiers de Los Angeles s’élève à 53 millions de plus que l’année dernière.
Une subtilité qui a permis à la maire de Los Angeles Karen Bass de balayer la polémique. «Aucune réduction n’a été faite qui aurait pu avoir un effet sur la situation à laquelle nous étions confrontés ces derniers jours», a-t-elle laconiquement lâché devant la presse, tout en estimant que l’unique cause de la propagation des flammes résidait dans «la férocité des vents».
Manque de mécaniciens, baisse des heures supplémentaires...
Mais dans les faits, le budget alloué à la lutte contre les incendies a bien chuté, bien qu’il ait été compensé par le budget des rémunérations. Dans sa note, Kristin Crowley indique que la réduction des heures supplémentaires créait des «défis opérationnels sans précédent», tant pour accomplir les tâches administratives, comme le traitement des salaires, que pour se préparer à long terme aux urgences majeures. Elle écrit notamment que les programmes spécialisés, notamment les opérations aériennes et les interventions en cas de catastrophes, s’appuyaient sur du personnel travaillant en heures supplémentaires.
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Interrogé par le New York Times, le président du syndicat local des pompiers, Freddy Escobar, a également déclaré que la suppression de 73 postes civils avait abouti à un déficit parmi les mécaniciens qui entretiennent la flotte de véhicules d’urgence. Selon lui, de nombreux camions sont donc en panne et inutilisables pour lutter contre les incendies en cours. En outre, le syndicaliste estime qu’un budget plus important pour les heures supplémentaires aurait pu être utile pour renforcer les équipes quand l’alerte pour des vents violents avait été donnée quelques jours avant que le feu ne se déclare.
En novembre dernier, Kristin Crowley avait déjà publié une note plus globale, dans laquelle elle dénonçait le fait que le service d’incendie de la ville n’avait pas vraiment évolué depuis les années 1960, alors même que la population avait augmenté d’un million d’habitants et que le volume d’appels a été multiplié par cinq depuis 1969. Le 17 décembre dernier, la présidente du conseil des commissaires des incendies, Genethia Hudley-Hayes, avait également reconnu qu’il n’était «pas injuste de déclarer que le service d’incendie de Los Angeles était vraiment en situation de crise», rappelle CBS News. Au terme de l’exercice 2023-2024, il était même excédentaire de 66,6 millions de dollars, à cause des contrats non budgétisés, des congés maladie non-utilisés et des nombreuses heures supplémentaires.