Délaissant Bâle, Design Miami se tourne vers Aspen et Séoul

Le domaine du design monte en puissance et il est d’actualité qu’il fasse partie intégrante de l’art moderne et contemporain. Si la foire Design Miami, déjà implantée en Floride sur Miami Beach, a lâché Bâle cette année, laissant un grand hall vide pendant Art Basel, sur la Messeplatz, elle entend s’imposer pour sa troisième année à Paris et bientôt à Aspen, aux États-Unis et à Séoul, en Corée, deux places montantes de riches et jeunes collectionneurs. L’annonce vient d’être faite par sa directrice, Jennifer Roberts, qui en pilote, avec un regard prospectif, le développement depuis 2015. Ces extensions marqueront le 20e anniversaire de la manifestation.

Nouveau format ambitieux sur plusieurs continents

La plateforme dévoile sa programmation et inaugure un nouveau format ambitieux : Design Miami.In Situ. Fidèle à sa vocation de soutenir les voix les plus influentes du design – qu’elles soient historiques ou émergentes – l’édition rendra hommage aux galeries pionnières et aux créateurs visionnaires qui ont façonné l’évolution de Design Miami, tout en portant un regard tourné vers l’avenir. Mettre en lumière le meilleur du design de collection, vintage ou contemporain, telle a toujours été sa mission. Cette foire - devenue une marque comme l’est Art Basel à Bâle, Miami, Hong Kong et Paris pour l’art moderne et contemporain - veut aussi inaugurer d’autres formats ancrés localement, pour valoriser la richesse des scènes régionales, certaines en plein boom en Asie, au Mexique ou en Amérique du Sud

Le lancement du programme se fera à Aspen (Colorado) le 31 juillet en parallèle d’ArtCrush, le rendez-vous annuel de l’Aspen Art Museum. Conçu par Ashlee Harrison, le programme comprendra des créations design élaborées avec diverses partenaires. S’en suivra, du 1er au 14 septembre, «Illuminated : A Spotlight on Korean Design», à savoir un focus sur le design coréen, de ses racines à sa reconnaissance internationale, en partenariat avec la Seoul Design Foundation. Présentée au sein de l’emblématique Dongdaemun Design Plaza, conçu par feu l’architecte Zaha Hadid, l’exposition sera conçue par Hyeyoung Cho.

Cette jeune femme, qui a commencé sa carrière comme céramiste, s’est beaucoup consacrée à la promotion de l’artisanat et du design coréens à l’étranger, comme en témoigne son exposition My Blue China (2015), organisée par la Fondation Bernadaud à Limoges et présentée en 2017 au Victoria and Albert Museum de Londres, sous le titre Contemporary Korean Ceramics. Son regard singulier a été primé en tant que commissaire de la Biennale internationale de céramique de Gyeonggi en 2013, et directrice artistique de la Biennale internationale d’artisanat de Cheongju en 2015, comme pour Constancy and Change, une exposition présentée à la Design Week de Milan en 2017.

Du design «at large»

« À mesure que le monde du design et son marché évoluent, notre communauté doit d’interagir avec eux, de manière nouvelle, explique Jennifer Roberts. Nous restons attachés au modèle de la foire mais on l’élargit encore un peu plus, pour anticiper les vingt prochaines années. » Pour l’Europe, Design Miami, sous le titre Design at large s’étoffe encore à Paris, dans l’écrin de boiseries or XVIIIe de l’Hôtel de Maisons, en octobre, aux mêmes dates qu’Art Basel et de la toute nouvelle Ceramic art fair, à la maison de l’Amérique latine. Pour l’Amérique, l’édition a été confiée à Glenn Adamson, sous l’intitulé Make. Believe, censé capter l’avant-garde du design à travers les époques.

L’avenir est-il pourtant aux grandes foires ? Pas si sûr. La fermeture de Design Miami à Bâle, que l’on sentait battre de l’aile depuis que celle-ci à ouvert à Paris, fut un choc. Bon nombre de grands marchands en étaient partis, préférant les charmes de la capitale française à ceux de la petite ville suisse, où tout est très cher en saison de foire, avec des hôtels et des restaurants ne le valant pas. La plupart venaient du reste de Paris qui concentre les meilleures enseignes dans le domaine. À cela s’ajoutaient les frais de transport devenus exorbitants depuis le Covid, pour une foire aux prix du mètre carré aussi élevés qu’à Art Basel. Entre Bâle et Paris, le choix a vite été fait.

Petit format dans une église

Triste toutefois que le design ne soit plus présent avec l’art contemporain à Bâle, un petit groupe de marchands, tous amis, se sont réveillés, pour monter un salon, plus intime, avec seulement 11 exposants. Après l’annonce de la fermeture de Design Miami, ils ont imaginé une nouvelle formule, beaucoup à la demande de leurs clients. Elle s’est faite sous le titre Maze, marque déjà décliné à Gstaad et Saint Moritz pour l’art contemporain par Thomas Hug, ancien directeur des foires de Monaco et Genève, parti avec pertes et fracas pour des problèmes financiers qu’il a toujours démentis.

La formule de deux jours, lundi et mardi, avec un pré-opening VIP le dimanche, était trop courte dans l’église Elisabethen Kirche, là où Emmanuel Perrotin nous avait habitués à organiser ses fêtes. L’espace, loué dès le mercredi par un autre partenaire, a connu un déménagement éclair. Devant le succès de cette nouvelle édition où les marchands ont vu défiler nombre de gros collectionneurs européens, américains et asiatiques, trop contents de prendre un peu d’air frais dans le marathon bâlois, l’initiative devrait être renouvelée l’année prochaine, en la rallongeant de quelques jours, au milieu des lampadaires d’églises et des chaires à prêcher.

« Design Miami était au moins cinq fois plus cher alors qu’ici nous n’avons payé que 15 000 euros pour le stand, de quoi amortir les frais plus facilement, avec des ventes en design qui sont nettement moins élevées qu’en art contemporain », explique Charlotte Ketabi (associée à Paul Bourdet) qui est à l’origine de cette jolie initiative, avec la galerie Kréo et Downtown. La galerie Ketabi Bourdet présentait, dans la partie de l’autel, l’exceptionnelle console, pièce unique d’Elizabeth de Portzamparc pour la Cité de la Musique, à côté de son bureau 24 heures, toute de suite vendu à une riche collectionneuse américaine. Ses lignes épurées dialoguaient avec une variation du fauteuil Barbara de Garouste et Bonetti, une commande spéciale pour le townhouse new-yorkais de Marithé et François Girbaud.

Tous ses voisins ont aussi beaucoup vendu, de Jean-Gabriel Mitterand avec ses Lalanne, à Pierre-Marie Giraud, avec sa floraison de céramiques, en passant par Jousse et ses rares modèles de Szekely. Le dîner, une longue table dans la nef et à l’étage a réjoui tous les collectionneurs qui assurent revenir l’année prochaine.