Au Rond-Point, les marionnettes anglaises animent un théâtre des merveilles drôle et cruel

Le rire va bien aux temps qui courent : il y dessine une forme de salut. On courra donc au Théâtre du Rond-Point, à Paris. The Old Trout Puppet Workshop, troupe canadienne dont la fondation remonte à une légende paysanne de 1999 en Alberta, y joue une série de variations orchestrant La Mort grandiose des marionnettes. Grandiose mais inéluctable. Grandiose, donc, truculente.

Dans le castelet à rayures d’une théâtralité très shakespearienne se joue une forme de Grand Guignol qui ne fait pas dans la dentelle. La beauté de la chose est qu’elle titille sans cesse la poésie du monde et les sentiments qui nous animent. Car si la mort frappe, nos vies déroulent nos songes au plus ou moins long cours. Et ces variations sur la mort des marionnettes se lisent aussi comme une variation sur la vie des marionnettes que nous sommes, manipulées à l’envi par le vent qui emporte les feuilles d’automne, aussi certainement que nos désirs, nos prises de risques, nos pauvres ruses et nos envies d’en découdre.

Trois femmes manipulent. Une blonde moins ingénue qu’on ne croit, une brune qu’on pourrait croire sortie de la famille Addams et une Asiatique, Butterfly conviée à illustrer les tragiques raisons pour lesquelles il ne faut pas courir avec des ciseaux. Au destin de cette Butterfly se superpose celui d’un papillon aux ailes d’un rose enchanteur. Observé à la loupe jusqu’au fond des yeux, on remarque qu’il fomente de mauvais coups. C’est dire comment fonctionnent ces variations, construites selon une mécanique d’horlogerie empruntée à la Suisse par ces marionnettistes aujourd’hui basés à Calgary.

Chaque détail pensé avec génie

Pas de récit linéaire, même si la tragédie Feverish Heart de Nordo Frot, réapparaît d’un bout à l’autre, avec des séquences de spectacle dans le spectacle. Les marionnettistes travaillent un tressage qui permet à chaque saynète de s’augmenter de choses vues dans les autres, accentuant le sentiment d’un délire aussi inéluctable que ses issues.

Le maître de cérémonie, Nathaniel Tweak, ouvre la série encore vaillant et la ferme au moment où le son des battements de son cœur cède à celui du glas. Car chaque détail est pensé avec un génie qui fait mouche. Le son, notamment, ourle les drames. De même la scénographie qui fait la part belle aux objets. La scène du castelet avec ses poupées miniatures se double, à l’échelle des hommes, de celle du théâtre. Y apparaissent livres de contes et coffres à jouets. Car les marionnettes ont partie liée avec notre enfance, et le castelet se fait ainsi théâtre des merveilles aussi touchant et drôle que cruel.

La Mort grandiose des marionnettes, au Théâtre du Rond-Point (Paris 8e), jusqu’au 15 mars.