Sommet pour le Liban : que peut la France pour le pays du Cèdre, meurtri par la guerre ?

La France se tient aux côtés du Liban et "ne lui fera pas défaut" : telle est la promesse du ministre français des Affaires étrangères sur les ondes de RTL, mercredi 23 octobre. Jean-Noël Barrot s’exprimait à la veille d’une conférence internationale dédiée au Liban, initiée par Emmanuel Macron et organisée jeudi à Paris.

Inaugurée par le président de la République, la conférence "verra la participation de 70 pays et de 15 organisations internationales", a ajouté le chef de la diplomatie française. Parmi les invités, le Premier ministre libanais Najib Mikati et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.

"L'objectif est d'abord de réaffirmer la nécessité d'un cessez-le-feu, d'une résolution diplomatique et d'une fin des hostilités, de mobiliser l'aide humanitaire du plus grand nombre de pays possible et de soutenir les institutions libanaises, au premier rang desquelles les forces armées libanaises", a souligné Jean-Noël Barrot.

France-Liban : des liens "très forts"

Paris partage des liens "historiques très forts" avec le pays du Cèdre, commente Jean-Paul Chagnollaud. "C'est la France qui a créé le Liban", rappelle le président de l’Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (IReMMO).

Le 1er septembre 1920 à Beyrouth, le général français Henri Gouraud proclamait en effet la naissance du Grand Liban, fondement du Liban moderne.

Aujourd’hui, "la France conserve cette idée d’avoir un rôle à jouer dans ce pays", analyse Jean-Paul Chagnollaud.

Vivement éprouvé par une profonde crise économique et institutionnelle depuis 2019, le Liban vit au rythme des bombardements de Tsahal depuis le 23 septembre. Le voisin israélien entend éliminer le Hezbollah, parti et milice chiite, ennemi historique de l’État hébreu.

Face aux souffrances de la population civile libanaise, la France dispose d’un pouvoir évident, rappelle Jean-Paul Chagnollaud : améliorer l’aide humanitaire sur place.

La France est attendue sur ce front, abonde, depuis Beyrouth, le secrétaire général du Bloc national libanais, Michel Helou. À ce jour, les bombardements israéliens ont déjà fait quelque 1 500 morts et déplacé près d’un quart de la population libanaise.

Un drame qui pourrait générer des tensions internes faute de soutien, poursuit l’ancien directeur du quotidien francophone L'Orient-Le Jour : composant avec les défaillances de l’État, les communautés locales gèrent à peu près seules le flot de populations déplacées. Comme le pointe Michel Helou, c’est comme si – rapporté à la population de l'Hexagone – 15 millions de Français étaient déplacés.

"Faire pression" sur Israël

Pourtant, "le Liban a encore plus besoin de soutien politique et diplomatique qu’humanitaire", poursuit le secrétaire général du Bloc national libanais. Selon lui, la France – comme les États-Unis – peut et doit "faire pression". Pression à la fois sur l’Iran, pour que la République islamique cesse de financer le Hezbollah, et sur les Israéliens, afin qu’ils mettent un terme à leurs bombardements.

L’alignement sur la politique israélienne est "nocif, injuste et contre-productif", estime Michel Helou. "Si le drapeau israélien a été affiché sur des monuments français au lendemain du 7-Octobre, les drapeaux palestinien ou libanais auraient eux aussi dû être arborés compte tenu de ce qui s’est passé ensuite."

Pour autant, "le rapport de la France avec Gaza, la Palestine, n'a rien à voir avec celui qu’elle entretient avec le Liban", analyse Jean-Paul Chagnollaud. "L'implication sur le Liban est beaucoup plus forte et immédiate puisque la France a tout de suite agi pour demander un cessez le feu."

De concert avec les États-Unis, la France a en effet appelé à un cessez-le-feu au Liban le 26 septembre, peu après l'intensification des bombardements israéliens contre le Hezbollah. Soutenu par une large coalition d’États, cet appel a été ignoré par le Hezbollah et Israël.

Épauler l’armée libanaise

Que peut faire la France dans le dossier libanais ? "Le rôle que peut jouer la France n'a plus rien à voir avec celui d'il y a quelques années, et a fortiori d'il y a quelques dizaines d'années", estime Jean-Paul Chagnollaud.

Et "il ne faut pas se faire d'illusions", prévient le président de l’IReMMO : en quelques heures, la conférence parisienne initiée par Emmanuel Macron ne pourra résoudre des problèmes qui sont "immenses".

Pour l'expert, la souveraineté des forces armées libanaises constitue un volet particulièrement épineux.

Le Hezbollah est la seule milice libanaise qui n’a pas été désarmée à la fin de la guerre civile (1975-1990). "État dans l’État" opérant de manière autonome sur le plan militaire, le parti de Dieu fragilise ainsi le rôle de l'armée nationale.

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L'armée libanaise est pourtant la seule institution "qui tient encore vraiment dans le pays, et rassemble toutes les communautés sans être liée à aucune en particulier", estime Michel Helou.

Voilà pourquoi selon lui, Paris doit absolument épauler l’armée. Non pour l’embarquer dans une guerre perdue d’avance contre l'armée israélienne, mais pour préparer l’après-guerre : une armée renforcée "permettra à l’État libanais de reprendre le contrôle de sa souveraineté".

"Le moyen de la souveraineté d’un État, c’est la force, et la force, c’est l’armée", abonde Jean-Paul Chagnollaud.

"Mais la France a déjà tenté de soutenir les forces armées libanaises dans les années 1980, puis 1990, avant d’abandonner, pour finalement recommencer à en parler aujourd’hui", rappelle-t-il.

Face aux défis libanais, un paramètre fait défaut à la diplomatie française, conclut Jean-Paul Chagnollaud : la continuité.