Près d’un Français sur 5 regarde des événements sportifs via du piratage
Les soirs de grandes compétitions sportives, il suffit de quelques clics sur Internet pour trouver des liens pirates permettant de regarder ses équipes favorites s’affronter. Pratique illégale, elle est pourtant adoptée par 18% des Français, selon une nouvelle étude de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), publiée ce mercredi 14 avril.
Les plus friands de cette pratique sont principalement des hommes (61%), actifs (40% de CSP+, 36% de CSP-) et urbains (38% vivent dans des communes de plus de 100.000 habitants, 20% sont en région parisienne). Leur moyenne d’âge est de 37 ans.
Le football : le sport le plus piraté
Parmi les sports dont les compétitions sont les plus piratées, le football mène toujours largement la danse puisque 28% des spectateurs de championnats et de coupes de foot déclarent les regarder illégalement. La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) s’impose comme l’événement sportif le plus piraté avec 17% de ses spectateurs qui la regardent de manière illégale. La dernière édition de cette compétition a eu lieu en 2023 en Côte d’Ivoire et a été remportée par le pays organisateur. Une nouvelle édition de la CAN aura lieu à la fin de cette année au Maroc.
La Série A italienne et la Bundesliga allemande occupent elles aussi le haut du classement des piratages. La Ligue 1 française est quant à elle piratée par 10% de son public, dont un quart de Français.
Mais au-delà du football, d’autres sports sont également ciblés, à l’instar du basket (30% de piratage), du tennis (24%) ou du rugby (22%).
Multiplication des blocages
Sur l’année 2022-2023, les sites rediffusant illégalement des matchs de football faisaient déjà l’objet de blocages plus importants de la part de l’Arcom, avec 1444 blocages réalisés contre 187 pour les sites diffusant illégalement les compétitions de rugby.
Mécaniquement, les compétitions les plus regardées sont celles ayant conduit aux plus de blocages. Près d’un Français sur cinq (17%) regardant la Ligue 1 illégalement s’est ainsi retrouvé bloqué, 51% pour la Ligue des Champions. Pour les Jeux olympiques de Paris de l’été 2024, 14% des personnes utilisant des sites pirates ont été bloquées.
Une tentative d’endiguement de la part de l’ARCOM et des diffuseurs qui a conduit à ce qu’un tiers des consommateurs illicites de sport (32%) voit leur site habituel bloqué. Dans ce cas, 71% abandonnent et ont fini par renoncer au contenu qui les intéressait.
6 pirates sur 10 ont un abonnement payant
Plus étonnant, l’étude révèle que six consommateurs illégaux sur dix possèdent un abonnement aux plateformes de diffusions sportives payantes comme Canal+ ou Bein Sport. L’offre étant éclatée entre les différents diffuseurs, un seul abonnement ne permet pas d’accéder à la rediffusion de tous les sports et les consommateurs se retrouvent dans l’impossibilité de s’offrir plusieurs abonnements en simultané . Pour un forfait Canal + donnant accès aux matchs de football de la Ligue des champions ou à la Premiere League britannique, il faut débourser au minimum 19,99 euros par mois. Un coût qui limite les possibilités de multiplier les souscriptions.
Un manque à gagner pour le secteur
Cette tendance au piratage représente un véritable manque à gagner pour le secteur. Dans son rapport sur le sujet daté de novembre 2024, l’Arcom précisait que les piratages illégaux ont conduit à 1,5 milliard d’euros de manque à gagner pour les acteurs sur l’année 2023.
Un constat qui a poussé les clubs français à s’unir en mars dans la lutte contre le piratage illégal. Le Paris Saint-Germain avait ainsi diffusé sur son compte X une vidéo précisant que « l’abonnement aux diffuseurs officiels est essentiel pour l’économie du Paris Saint-Germain » et appelant les fans du club à arrêter cette pratique. Des clubs comme Marseille, Nice, Le Havre ou encore le Paris FC en Ligue 2 ont diffusé des messages similaires.
L’Arcom précise sur son site internet que la consultation de sites pirates « repose sur deux modes d’accès, dont les usages peuvent se cumuler : 16 % de Français ont recours à des sites de live streaming, tandis que 12 % accèdent à des contenus de manière illicite par l’IPTV (au moyen de boîtiers, de clés ou directement avec des logiciels). Le recours à l’IPTV fait l’objet d’un développement récent : 41 % de ses utilisateurs le font depuis moins d’un an (contre 26 % en 2023) ». Les blocages de ces sites sont boostés par des dispositifs renforcés permettant aux titulaires des droits d’exploitation de saisir le juge en cas de piratage de leur contenu.
Une proposition de loi contre le piratage
Mais ces blocages n’ont en réalité qu’un effet limité et temporaire, les pirates pouvant facilement ouvrir de nouveaux sites et créer de nouveaux liens. Le président de l’Arcom, Martin Ajdari précisait sur Radio France que la lutte menée contre le piratage s’inscrit «dans le cadre législatif tel qu’il existe». Un cadre légal français qui ne permet pas un contrôle aussi renforcé que ce qui existe dans les autres pays européens, explique-t-il.
En mars, les sénateurs Laurent Lafon (UDI) et Michel Savin (LR) ont déposé une proposition de loi visant à contrôler davantage le football professionnel français. L’article 10 de la proposition de loi contient un volet dédié au piratage et prévoit de donner à l’Arcom davantage de moyens pour bloquer les sites pirates instantanément. « Le piratage n’est pas la cause des problèmes du football mais plutôt la conséquence. La multiplicité des abonnements et leurs prix ainsi que la perte de confiance auprès des amateurs a conduit à un développement massif du visionnage illicite » analysait le sénateur Laurent Lafon en mars.