Rudy Guénaire, autodidacte du design
Il vient de revamper d’une touche de nostalgie Eighties les comptoirs tournants de l’enseigne de sushis Matsuri. Au Belvédère, restaurant profitant d’une vue spectaculaire sur le mont Ventoux, il traite dans une même veine minimale salle et terrasse, afin de laisser le paysage dominer. Au Hand Roll Bar, à venir à Miami, on dégustera, plongé dans le noir, juste éclairé d’une sculpturale lanterne lumineuse, des rouleaux de feuilles d’algues nori, farcis de riz vinaigré et de tartares de poisson.
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Rien ne prédestinait pourtant Rudy Guénaire à devenir architecte d’adresses trendy. En 2012, au sortir d’HEC, il lance, avec son associée Graffi Rathamohan, la chaîne de restaurants de burgers Paris New York (PNY), désireux d’insuffler aux traditionnels diners américains une touche d’art de vivre à la française. Afin de mener à bien son projet, il s’entoure alors d’architectes d’intérieur. À leur contact, œuvrant avec eux sur les plans, suivant les chantiers, le jeune entrepreneur se prend de passion pour ce pan de son activité. Après avoir inauguré huit restaurants, un déclic s’opère: pourquoi ne pas donner corps à ses propres visions? «À un moment, j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de plus créatif et, intellectuellement, de plus enrichissant que des burgers, avoue-t-il. Je lis beaucoup, principalement de la philosophie et de la poésie. La littérature demeure ma véritable passion. Mon intérêt pour l’architecture s’est révélé sur le tard. Plus que le dessin même des objets - sur lequel je suis pourtant obsessionnel -, c’est une volonté d’ambiances atmosphériques douces qui m’a guidé ; je trouvais souvent les propositions que l’on me faisait trop froides. Mes lieux racontent des histoires, ils vous font voyager. Aller dîner dans un restaurant, c’est s’offrir une parenthèse, s’évader de son quotidien…, non?»
Rudy Guénaire excelle dans les décontextualisations architecturales. Le PNY de Grenoble par exemple se pare de cloisons à fenêtres hublots, suggérant des façades d’immeubles Seventies. Ces modules recouverts de béton fibré accueillent étagères, horloges et miroirs, là où l’on s’attendait à trouver des vitrages. L’intérêt pour ses réalisations poétiques autant que narratives lui assure moult demandes de collaborations… Toujours à la tête de PNY, il anime désormais également en parallèle une agence d’architecture intérieure et de stratégie en image de marque intervenant sur les décors, comme la création de logos ou la mise en page de menus. Pour une cohérence des projets. «On peut s’occuper de tout, sauf de ce qu’il y a dans l’assiette», s’amuse-t-il.
La soif créative, la boulimie de travail du jeune homme est pourtant loin d’être rassasiée. Non content d’avoir conçu son propre appartement rive gauche, il s’apprête à livrer pour des clients un intérieur dans un immeuble Art déco de la place du Panthéon. «J’y rends hommage à des gens comme Robert Mallet-Stevens à travers un principe de poutres lumineuses en verre émaillé, qui soulignent en douceur le dessin architectural des lieux.» Son rêve? «J’adorerais que l’on me confie un hôtel. Un restaurant se limite à une salle, une seule histoire donc. Avec un lobby, des chambres, leurs salles de bains, un spa…, un hôtel permet une narration en plusieurs épisodes. Et puis, dessiner la poignée de porte d’une chambre serait vraiment trop cool!»