Comment la duchesse d’Uzès a marqué à jamais l’histoire de l’automobile

La duchesse d’Uzès - Anne de Rochechouart de Mortemart de son vrai nom - est une femme issue de la haute noblesse française, née en 1847, arrière-petite-fille de la célèbre Veuve Clicquot (première femme à diriger une maison de Champagne). Aristocrate du 19e siècle, elle aurait dû se cantonner à l’éducation des enfants et aux mondanités. Mais elle ne se contenta pas de ce rôle. En 1878, elle devient veuve à 31 ans après la mort de son mari Emmanuel de Crussol d’Uzès, et hérite dans le même temps d’un empire financier considérable, incluant des propriétés immobilières (châteaux, hôtels particuliers) et de participations industrielles. Ce pouvoir nouveau la libère des contraintes de son temps. Elle devient influente dans la haute société parisienne, s’impliquant notamment dans les causes féministes et suffragistes.

Se consacrer à l’automobile

Une vie de sens qui lui permet aussi de se consacrer à une passion : celle de l’automobile. Fascinée par les avancées technologiques de son temps, elle fait l’acquisition d’une Delahaye Type 1 en 1897, ce qui marque son intérêt prononcé pour la mécanique. Et l’année suivante, elle passe avec brio l’examen du «certificat de capacité féminine», équivalent du permis de conduire moderne. C’est la première femme à l’obtenir en France. L’événement fut d’ailleurs largement médiatisé, Le Figaro relate alors que cette candidate a «répondu avec autant d’assurance et d’habileté que si elle eût été la gagnante de [...] courses automobiles». Élogieux.

La première amende

La légende raconte qu’elle a reçu la première contravention de l’histoire. En juillet 1898, alors qu’elle conduisait sur l’avenue du Bois de Boulogne à Paris (aujourd’hui avenue Foch), elle fut verbalisée pour avoir roulé à 15 km/h, dépassant ainsi la limite de 12 km/h fixée par l’ordonnance de 1893. Cette infraction lui valut une amende dont le montant varie selon les sources (entre 5 et 28 francs). Cet incident fut l’un des premiers excès de vitesse médiatisé, bien que les archives ne permettent pas d’affirmer avec certitude qu’elle fut absolument la première personne sanctionnée pour ce motif... Les mythes restent toujours tenaces.

Au-delà de l’anecdote, la Duchesse d’Uzès transforme sa passion pour l’automobile en véritable outil d’émancipation féminine. En 1926, après la Grande Guerre et toute sa rudesse, elle tente d’intégrer l’Automobile club de France. Mais ces derniers rejettent encore toute idée d’accepter une femme.

En réaction immédiate, elle fonda l’Automobile Club féminin en 1926 à l’âge de 79 ans. La structure avait pour vocation d’organiser des rallyes, tout en promouvant l’accès des femmes à la conduite. Le plus célèbre d’entre eux, le Paris-Saint-Raphaël, une compétition exclusivement féminine, deviendra célèbre. Elle portera jusqu’à sa mort en 1933 le combat de l’accès aux femmes à la conduite.