Véhicules Crit’Air 3 bientôt interdits dans le Grand Paris : les PME franciliennes tirent la sonnette d’alarme

Les artisans et commerçants franciliens s’agacent du durcissement attendu de la ZFE. À quelques semaines de l’élargissement de la zone à faibles émissions (ZFE) du Grand Paris à tous les véhicules de Crit’Air 3, qui doit prendre effet le 1er janvier 2025, cinq organisations patronales de la région ont alerté ce mercredi, dans un communiqué, sur la nécessité de répondre au problème de santé publique tout en prenant en compte les difficultés actuelles des entreprises de l’hôtellerie, du commerce et de l’artisanat.

D’abord mise en place en 2015 pour les véhicules classés Crit’Air 5, la ZFE du Grand Paris englobe 77 communes contenues par l’autoroute A86.«Élargie» au Crit’Air 4 en juin 2021, elle sera bientôt interdite d’accès aux véhicules classés Crit’Air 3 qui regroupent les Diesel «Euro 4» immatriculés entre 2006 et 2010, ainsi que les motorisations essences «Euro 2 et 3» immatriculés entre 1997 et 2005. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), association de droit privé créé à la fin des années 60 par la Ville de Paris, 422.000 voitures particulières (soit 23% du total en circulation dans la ZFE) et 59.000 véhicules professionnels étaient concernés au 1er janvier 2023.

Or, pour les cinq organisations de la région francilienne - la CPME, l’Umih, Mobilians, l’Otre et le GHR - cette évolution risque de peser sur les entreprises et les salariés. Les artisans et commerçants de la région Île-de-France «ne sont pas prêts pour ce durcissement des critères d’exclusion», estime Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME de la zone Paris-IDF. «Ce que nous demandons, c’est de la souplesse», explique Bernard Cohen-Hadad, avant de préciser que «le reste à charge pour l’achat d’un véhicule utilitaire électrique s’élève facilement à plus de 15 000 euros». Les organisations appellent donc à «anticiper les problèmes et à maximiser, sans attendre, les dérogations pour que les chefs d’entreprise et leurs salariés ne soient pas trop pénalisés».

Élargir les dérogations pour les professionnels

Pour les entreprises elles-mêmes, cette nouvelle contrainte tombe, semble-t-il, au pire moment. En France, le nombre de défaillance d’entreprises a augmenté de 25,2% entre l’été 2023 et l’été 2024. Elles s’élevaient à 13.429 au 3e trimestre 2024, en hausse de 20% par rapport à l’année précédente, selon le cabinet Altares. En Île-de-France, le nombre de défaillance a bondi de 28% au premier semestre 2024, en glissement annuel, d’après une étude de l’Observatoire des données économiques du Conseil national des Administrateurs judiciaires et des Mandataires judiciaires (CNAJMJ), publiée en octobre.

Bien que 200 branches d’activités bénéficient de dérogations, notamment pour le stationnement résidentiel, la CPME plaide pour les étendre aux métiers du commerce et de l’artisanat, qui se prêtent peu à l’utilisation des transports en commun. Si la ZFE n’est active qu’entre 8h00 et 20h00, «les horaires décalés des métiers de l’hôtellerie ou de la plomberie - par exemple, obligent certains salariés à transiter sur des plages horaires où le service de transports en commun est très réduite voire inexistant», explique Bernard Cohen-Hadad. Comme la plupart de ces travailleurs habitent loin du centre de la Métropole, cette ZFE s’apparente à «une zone d’exclusion économique et sociale pour des travailleurs qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule», ajoute-t-il. 

Diminution des aides à l’achat

Ce jeudi 14 novembre, le gouvernement a annoncé la fin de la prime à la conversion qui s’élevait à 6000 euros pour l’achat d’une «citadine» électrique et à 2500 euros pour l’achat d’un utilitaire électrique neuf. Un «mauvais signal» envoyé aux usagers, juge l’équipe de Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris. Surprise par la décision du gouvernement, la Métropole déplore le désengagement partiel de l’État dans l’aide à la transition du parc automobile. D’autant que le prêt à taux zéro pour la mobilité (PTZ-m) décrété par la loi Climat et résilience du 22 août 2021, censé faciliter l’accès aux véhicules neufs, n’a, dans les faits, jamais été mis en place.

«C’est normal, les établissements bancaires attendent toujours la garantie de l’État sur ces PTZ», précise la Métropole du Grand Paris. Aucune banque du Grand Paris n’ayant consenti à ces PTZ (près de trois ans après son inscription) ce troisième volet de la ZFE qui concerne les Crit’Air 3 a déjà été reporté deux fois depuis l’été 2022. L’autre raison invoquée concernait l’impossibilité de faire appliquer ces mesures en l’absence de moyens de contrôle automatiques. Des équipements qui ne seront pas déployés avant... 2026. 

Aucun de ces deux points n’a été résolu depuis, mais cette troisième extension de la ZFE constitue une obligation légale : la loi Climat et résilience dispose que les mesures de restriction sur les Crit’Air 3 seront mises en place «au plus tard le 1er janvier 2025». Pressée par la loi et privée des subsides que lui apporteraient les contrôles radars automatiques sur les vignettes, la Métropole serait déjà «en consultation avec la CCI et la Chambre régionale des métiers et de l’artisanat» pour élargir les dérogations pour les professionnels. Les résultats de ces négociations devraient être rendus publiques «d’ici quelques jours», d’après l’entourage de Patrick Ollier.