Reddition de soldats et saisie de matériel : la prise de Laukkai par les rebelles en Birmanie

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Des images de soldats défaits qui se rendent aux rebelles ou encore de saisies d’armes : la ville de Laukkai, située dans le nord-est de la Birmanie, est tombée aux mains d’une alliance de groupes rebelles le 5 janvier.

Dans la nuit du 4 au 5 janvier 2024, ces soldats de la junte birmane remettent leur armes aux rebelles. © X / @ThomasVLinge

Depuis le coup d’État de février 2021 et les manifestations qui l’ont suivi, les guérillas contre la junte au pouvoir ont pris de l’ampleur progressivement. Depuis fin octobre 2023, une alliance entre groupes rebelles issus des minorités ethniques a mené une action commune contre la junte - l’opération 1027 - qui a permis de gagner du terrain et de capturer de nombreuses bases de l’armée birmane.

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“C’est une victoire symbolique et militaire importante”

Selon Erin Murphy - analyste pour le programme Asie du Center for Strategic and International Studies et spécialiste de la Birmanie - la prise de la ville de Laukkai dans l’État Shan marque un tournant dans cette offensive :

Cette ville est la capitale de la région de Kokang. Il ne s’agit pas d’une commune ou d’un village, mais d’une grande ville. C’est donc une victoire morale très importante pour les rebelles. L’armée birmane n’est pas habituée à de telles pertes.

Le jour de la prise de Laukkai, les rebelles de l’opération 1027, regroupés sous le nom d’Alliance des trois fraternités (“Three Brotherhood Alliance”), ont annoncé sur leur canal Telegram la capture de “228 officiers, dont six hauts gradés (...) pour un total de 2 389 hommes”, une information qui n’a pas pu être vérifiée de source indépendante.

Située à 5 km de la frontière avec la Chine, la ville de Laukkai est un carrefour stratégique au centre de nombreuses routes commerciales et trafics.

La ville birmane de Laukkai est située à proximité du sud de la Chine
La ville birmane de Laukkai est située à proximité du sud de la Chine © Observateurs/Google Earth.

La zone située entre l’État Shan en Birmanie et la Chine [des deux côtés de la frontière, NDLR] est une région très montagneuse avec peu de routes. Les camions qui transportent les ressources vers la Chine vont donc devoir traverser les zones rebelles, ce qui complique les choses pour la junte. De plus, cette zone est connue pour le trafic de drogue et les jeux d’argent. Cela peut constituer une source de revenus supplémentaire pour les groupes rebelles.

Plusieurs bases de la junte capturées

La rédaction des Observateurs de France 24 a pu géolocaliser une vidéo montrant des membres de la milice rebelle MNDAA (“Myanmar National Democratic Alliance Army”, soit “Armée de l'Alliance démocratique nationale du Myanmar”), membre de l’Alliance des trois fraternités, faire tomber le drapeau de la junte birmane afin de le remplacer par leur étendard. Elle a été tournée dans le sud de Laukkai.

Dans cette vidéo diffusée le 5 janvier 2024, les rebelles s’emparent d’une base de la junte dans le sud de Laukkai. © X / ThomasVLinge
Dans la vidéo ci-dessus, plusieurs éléments permettent de géolocaliser cette base de la junte, qui se trouve dans le sud de Laukkai (géolocalisation : 23.672393° 98.764659°).
Dans la vidéo ci-dessus, plusieurs éléments permettent de géolocaliser cette base de la junte, qui se trouve dans le sud de Laukkai (géolocalisation : 23.672393° 98.764659°). © Observateurs

La prise des infrastructures de l’armée birmane s’accompagne de la capture de nombreux soldats de la junte. Dans la vidéo ci-dessous (celle de droite), on aperçoit des hommes de la junte qui viennent de se rendre, reconnaissables grâce à leur camouflage dit "pixelisé” présent sur leur uniforme et gilet pare-balles.

À Laukkai, le 6 janvier 2024, les hommes de la junte se rendent par dizaines auprès des groupes rebelles. © X / @nicholas6284

Parmi eux, il est possible de reconnaître le patch de la 55ᵉ division d’infanterie légère, une unité d’élite de l’armée de terre birmane.

Ce soldat - visible dans la vidéo ci-dessus - arbore un patch de la 55ᵉ division d’infanterie légère de l’armée de terre birmane.
Ce soldat - visible dans la vidéo ci-dessus - arbore un patch de la 55ᵉ division d’infanterie légère de l’armée de terre birmane. © Observateurs

Les hommes de la junte qui se rendent apportent leurs armes avec eux. Parmi les équipements repérés par l’analyste "War Noir” sur X, on note la présence de nombreux fusils d’assaut de fabrication allemande HK MA-12 LMG, reconnaissables à leurs poignées caractéristiques.

Capture d’écran d’une vidéo diffusée sur X, où il est possible d’identifier plusieurs fusils d’assaut allemands parmi les armes saisies à la junte.
Capture d’écran d’une vidéo diffusée sur X, où il est possible d’identifier plusieurs fusils d’assaut allemands parmi les armes saisies à la junte. © X / @war_noir

Mais les rebelles n’ont pas capturé que des armes légères. Dans cette vidéo, à 0’10, il est possible d’identifier un véhicule blindé qui semble avoir été mis hors service. La rédaction des Observateurs a pu l’identifier : il s’agit d’un PTL-02 type 86, un blindé de fabrication chinoise.

Capture d’écran d'une vidéo publiée sur X (@CartesDuMonde), montrant un blindé de la junte PTL-02 type 86 mis hors service par les rebelles
Capture d’écran d'une vidéo publiée sur X (@CartesDuMonde), montrant un blindé de la junte PTL-02 type 86 mis hors service par les rebelles © Observateurs

Initialement construite pour le transport de troupes, la version dite “86” de ce blindé se voit dotée d’un canon de 100 mm. Un équipement qui, une fois retourné contre la junte, pourrait donner un avantage tactique aux rebelles afin de faire face aux blindés de l’armée birmane.

Pour Erin Murphy, ces saisies d’armes sont d’une importance capitale pour la rébellion :

La ville de Laukkai est le centre régional de commandement pour l’armée birmane. C’est donc un endroit où il y a une forte concentration de troupes et de ressources militaires. Les rebelles vont pouvoir se battre avec ces armes sans avoir à les acheter sur le marché noir ou à les faires transiter depuis un autre pays

Si la zone semble être désormais contrôlée par les groupes armés rebelles, depuis le 11 janvier, le média en ligne Hit Thit évoque une potentielle rébellion des troupes capturées par les rebelles.

Il n’est cependant pas possible de vérifier cette information de façon indépendante pour le moment.

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