Former un gouvernement, bâtir un budget, éviter la censure… Les cinq travaux qui attendent Sébastien Lecornu
En matière de nominations, Emmanuel Macron avait plutôt l’habitude de prendre son temps. Cette fois, il ne lui a fallu que 24 heures pour désigner Sébastien Lecornu comme successeur de François Bayrou à Matignon. Une montagne de défis attend déjà l’ex-ministre des Armées, qui devra manœuvrer habilement dès les premiers jours.
Former un gouvernement
Voilà déjà un premier casse-tête pour Sébastien Lecornu, qui doit s’atteler au plus vite à la composition de son gouvernement. Comme ses deux derniers prédécesseurs, l’ex-ministre des Armées tentera sans doute de débaucher plusieurs personnalités venues de la gauche. Mais difficile d’imaginer que des socialistes ou des écologistes acceptent de rejoindre son équipe. Ce fidèle d’Emmanuel Macron pourrait devoir se contenter de profils sociaux-démocrates - à l’instar de Manuel Valls (Outre-Mer) ou de François Rebsamen (Aménagement du territoire), tous deux n’étant plus encartés PS.
Passer la publicitéRallié très tôt à la macronie, l’ex des Républicains pourrait surtout se tourner vers son ancienne famille politique. Peu avant la chute de François Bayrou, Bruno Retailleau avait pourtant prévenu que la participation de LR au gouvernement n’avait rien d’« automatique ». Mais l’identité du nouveau premier ministre devrait rassurer la droite. Et permettre, peut-être, au ministre de l’Intérieur de prolonger son bail place Beauvau.
La déclaration de politique générale, un rituel décisif
Une fois le casting révélé, Sébastien Lecornu se pliera à la traditionnelle déclaration de politique générale (DPG), ligne directrice de son action à Matignon. Un rituel très scruté, où le premier ministre, méconnu du grand public, cherchera probablement à décrocher la bienveillance des oppositions. La coutume veut d’ailleurs que le chef de gouvernement demande un vote de confiance à l’issue de son grand oral. Pas sûr que l’ancien maire de Vernon (Eure) prenne le même risque que François Bayrou, sèchement renversé lundi soir après avoir remis son destin entre les mains des députés.
Bâtir en urgence un budget 2026
C’est certainement le défi le plus périlleux qui attend le nouveau premier ministre. Sébastien Lecornu devra accomplir un numéro d’équilibriste en un temps limité : pour entrer dans les clous constitutionnels, les textes budgétaires devront atterrir d’ici la mi-octobre sur le bureau des députés. Certes, l’ancien ministre des Armées n’arrive pas totalement les mains vides à Matignon. Les équipes de Bercy travaillent depuis des mois sur la conception du projet de loi de finances (PLF) 2026.
Mais tout porte à croire que l’ex des Républicains devra revoir la copie de son prédécesseur. Les oppositions ont toutes fixé des lignes rouges qui, si elles étaient franchies, les conduiraient à censurer le gouvernement. À gauche, les socialistes s’accrochent - entre autres - à la fameuse taxe Zucman, qui prévoit d’imposer le patrimoine des hauts revenus. Quand Marine Le Pen et les siens réclament une réduction du « coût de l’immigration » et de la contribution française à l’Union européenne, comme l’a esquissé la leader nationaliste dans une lettre adressée cet été à François Bayrou.
En plus de déjouer les chausse-trappes, Sébastien Lecornu devra surtout trouver une voie de passage pour faire adopter son plan avant la fin de l’année. Sans quoi il risquerait de trébucher sur le budget jusqu’à être renversé en cas de recours à l’article 49.3.
Passer la publicitéÉviter les motions de censure
Comme ses deux derniers prédécesseurs, Sébastien Lecornu devra avancer sur un champ de mines parlementaire. Il lui faudra au moins arracher un « accord de non-censure » s’il ne veut pas connaître le même sort que Michel Barnier et François Bayrou. Le centriste avait, lui, survécu à huit motions de censure avant d’être renversé sur le vote de confiance. Pour durer, le septième premier ministre d’Emmanuel Macron devra donc obtenir a minima la bienveillance des 66 députés socialistes ou celle des 123 députés marinistes.
Reprendre les dossiers brûlants
Au-delà de l’épreuve budgétaire, Sébastien Lecornu devra aussi reprendre une pile de dossiers laissés en suspens par la chute de son prédécesseur. Notamment celui, hautement inflammable, de la proposition de loi Gremillet sur la programmation énergétique, qui devait bientôt revenir à l’Assemblée nationale.
Ces débats promettaient d’être décisifs en vue de la publication à venir, par le gouvernement, du décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) - censé définir les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion des formes d’énergie sur le territoire ces prochaines années. Le RN, qui ne veut pas d’un plan trop favorable aux énergies renouvelables, avait déjà menacé François Bayrou de censure.