Mort de Serge Lasvignes, ancien président du Centre Pompidou épris de dialogue

C’était un homme civil et érudit, un haut fonctionnaire dans toute sa noblesse, un énarque amoureux de la littérature, un président affable du Centre Pompidou qu’il a présidé de 2015 à 2021. Souriant, toujours enclin à la discussion, prédisposé à l’écoute, Serge Lasvignes laisse le souvenir d’années sereines à la tête de cette institution tumultueuse dont la fermeture pour travaux - qu’il a initiée - se concrétisera cet automne. L’absence de Beaubourg pendant cinq ans dans le paysage parisien commence à inquiéter le monde de l’art qui se sent déjà orphelin de ses rendez-vous coutumiers. L’annonce du décès de Serge Lasvignes, à seulement 70 ans, ne peut qu’accroître cette mélancolie tant la silhouette de ce littéraire souvent penchée vers son interlocuteur, légèrement en retrait du bruit du monde, a marqué l’institution de son sens inné de la diplomatie, lui qui succéda au Toulousain Alain Seban, visionnaire au tempérament volcanique.

« C’est avec une immense tristesse que nous apprenons le décès de Serge Lasvignes. Ce serviteur de l’État exceptionnel empreint de culture universelle était un homme visionnaire dont le mandat au Centre Pompidou a été marqué par l’impulsion et la réalisation de projets essentiels pour l’avenir de notre institution. Il fut un président passionné, respecté et apprécié de tous les agents du Centre Pompidou, du Centre Pompidou−Metz, de la Bpi et de l’Ircam. Nous honorerons sa mémoire avec attention. Au nom de toute l’équipe du Centre Pompidou, j’adresse mes plus sincères condoléances à son épouse Martine, sa famille et à ses proches», a tenu à saluer aussitôt Laurent Le Bon qui lui a succédé en 2021.

«Véritable défenseur du lien avec les territoires»

Né le 6 mars 1954, agrégé de lettres et énarque (promotion Liberté-Egalité-Fraternité, 1989), Serge Lasvignes a exercé une carrière exceptionnelle au service de l’État avant d’être nommé président du Centre Pompidou en avril 2015, un poste qu’il a occupé jusqu’en 2021. Il fut ainsi, dans sa vie politique antérieure, secrétaire général du gouvernement de 2006 à 2015. Il y fit preuve de son intelligence et de son sens du dialogue au fil des différents gouvernements. Sans être du sérail culturel, il fut nommé président du Centre Pompidou en 2015, accueilli plutôt fraîchement, puis adopté et renouvelé dans son mandat, à 66 ans, en 2020, jusqu’à son départ à la retraite en 2021.
Au cours de sa présidence, Serge Lasvignes a défendu le Centre Pompidou, la Bibliothèque publique d’information (Bpi), l’Ircam et le Centre Pompidou-Metz comme des lieux de culture, de vie et de débat, ouverts à tous les publics. Son action a été marquée par sa vision d’un Centre Pompidou en parfaite résonance avec la société et les enjeux contemporains. Il a ainsi remis la parole au cœur de l’institution, en faisant de l’échange et du dialogue des piliers fondamentaux du Centre. L’un de ses grands projets fut la réouverture en 2021 de l’entrée de la Bpi sur la Piazza, un geste 
destiné à favoriser la rencontre et l’enrichissement mutuel des différents publics du Centre.


«Véritable défenseur du lien avec les territoires, Serge Lasvignes a été à l’origine de nombreuses initiatives innovantes qui ont rencontré un grand succès», souligne en ce dimanche 16 février, le Centre Pompidou. Parmi celles-ci, l’opération « 40 projets en région » en 2017 pour les 40 ans du Centre qu’il présenta sur scène, comme une cérémonie des oscars. Il a par ailleurs initié en 2018 le projet ambitieux du Centre Pompidou Francilien – fabrique de l’art, situé à Massy (Essonne), un partenariat noué avec la Région Île-de-France, le Département de l’Essonne, la Communauté d’agglomération de Paris-Saclay et la Ville de Massy, avec le soutien de l’Etat, dont l’ouverture est prévue pour l’automne 2026. 
Le mandat de Serge Lasvignes a également été marqué par le développement du rayonnement international du Centre Pompidou. En 2019, il a supervisé l’ouverture du Centre Pompidou X West Bund Museum à Shanghai, puis le renouvellement de l’implantation du Centre Pompidou à Málaga pour cinq ans, en 2020. Dans la même dynamique, il a soutenu le projet KANAL − Centre Pompidou à Bruxelles, dont l’ouverture est prévue pour 2026. Enfin, c’est sous sa présidence que le premier volet des travaux nécessaires de rénovation du bâtiment historique de Beaubourg a été décidé. Depuis 2021, Serge Lasvignes présidait la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (Cnctr), marquant ainsi 
son engagement au-delà du monde de l’art. On le croisait toujours dans les vernissages de l’art, courtois, curieux et amusé.