Motion de censure : la possible chute du gouvernement provoque de vives tensions sur la dette française
Le risque de censure du gouvernement Barnier plonge les marchés dans l’inconnu. Inquiets face à la tournure des évènements et le passage en force du gouvernement sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), les investisseurs se détournent massivement de la dette française. Le taux des obligations de l’État français à échéance dix ans a grimpé à 2,92% et son équivalent allemand, considéré comme une référence à l’échelle européenne, est dans l’après-midi à 2,04%. L’écart de taux (le « spread ») a grimpé à 88 points de base (0,87%). La prime de risque de la France sur les marchés est désormais à une encablure des 90 points de base, un sommet atteint la semaine dernière lorsque la chute du gouvernement Barnier semblait se rapprocher.
La tension s’était un peu apaisée en fin de semaine dernière tandis que le gouvernement évoquait des aménagements sur le budget. Sans majorité, le Premier ministre Michel Barnier a actionné l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’approbation d’un texte sans vote. En réponse, La France insoumise (LFI) tout comme le Rassemblement national (RN) ont annoncé déposer une motion de censure. Même avec les concessions déjà faites par le Premier ministre, notamment sur la taxation de l’électricité, Marine Le Pen a confirmé que le groupe RN déposerait une motion de censure et que les députés d’extrême droite voteraient l’ensemble des motions, «d’où (qu’elles) viennent», y compris de la gauche.
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Signal d’alerte
Le creusement du «spread» entre les taux français et allemands est un signal d’alerte. Il reflète la confiance, ou plutôt la défiance, que les grands créanciers internationaux, notamment chinois ou américains, éprouvent envers notre économie. La France emprunte désormais plus cher que l’Espagne ou le Portugal, deux pays qui faisaient figure de maillon faible de l’Europe. Le coût d’emprunt de la France est désormais proche de celui de la Grèce, pays en quasi-faillite il y a une quinzaine d’années. Le «spread» entre les taux français et allemand est désormais proche de son niveau de 2012, lorsque la zone euro était menacée d’éclatement avec la quasi-faillite de la Grèce.
La chute du gouvernement provoquerait immanquablement une nouvelle flambée des taux. Une très mauvaise nouvelle pour la France dont la dette «atteint désormais 3228 milliards d’euros» a rappelé le Premier ministre ces derniers jours. La hausse des taux va en effet finir par se répercuter sur la charge annuelle de la dette publique. On « va arriver à 60 milliards d’euros par an » rien que pour payer les intérêts de la dette, a ainsi averti le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, mercredi dernier. La situation de la France pèse même sur l’euro qui s’enfonçait ce lundi. Vers 17 heures, la monnaie européenne tombait de 1,00% face au billet vert, à 1,0470 dollar, et perdait 0,16% par rapport à la devise britannique, à 82,91 pence pour un euro.
En revanche, un calme relatif règne sur le marché des actions françaises. Le CAC 40 a terminé stable à +0,02%, malgré les événements politiques et - aussi - les annonces ce week-end du départ du directeur général de Stellantis Carlos Tavares. Pour l’heure, «les actions françaises ont déjà beaucoup souffert et pour le moment, le marché de la dette est en première ligne», explique un analyste. En novembre, le CAC 40 a perdu près de 4 % après avoir déjà reculé de 3 % en octobre. Et depuis le début de l’année, l’indice phare de la Bourse de Paris est en baisse de 5,25 %. L’Allemagne est également confrontée à d’importants défis économiques et politiques, mais le Dax de la Bourse de Francfort engrange près de 15 % depuis le début de l’année. Les actifs français, dette publique et actions, ont Bourse de Paris a décroché à partir du mois de juin avec la dissolution de l’Assemblée nationale. Depuis, les marchés vivent au rythme des incertitudes politiques.