L’Insee dévoilera jeudi les chiffres d’une croissance détériorée fin 2024
Annoncé par la Banque de France en novembre, le contrecoup post-JO pourrait s’avérer plus sévère que prévu. L'Insee dévoilera jeudi 30 janvier les chiffres de la croissance française au quatrième trimestre 2024, en net ralentissement et privée du regain d'activité qu'aurait pu insuffler le repli marqué de l'inflation. L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) table sur une croissance nulle d'octobre à décembre 2024, après une hausse de 0,4% au troisième trimestre grâce aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Sur l'ensemble de l'année 2024, l'Insee estime que le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 1,1%, comme en 2023.
«Il est difficile de trouver un poste (du PIB) qui se porte très bien», euphémise Maxime Darmet, économiste chez Allianz, interrogé par l'AFP. Il pointe la faiblesse de la production industrielle - à l'exception de l'aéronautique - et une consommation des ménages sans éclat malgré le recul à +2% de l'inflation en 2024 en moyenne annuelle, contre +4,9% l'année précédente. Dynamisés par les JO, les services subiraient «un contrecoup». En décembre, l'Insee tablait sur une augmentation de la consommation de 0,9% en 2024, moins que le pouvoir d'achat (+2,1%). Les ménages, qui ne perçoivent pas encore l'assagissement des prix, ont préféré épargner, sur fond de craintes accrues concernant le chômage.
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Incertitude et confiance dégradée
L'incertitude politique qui agite la France depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin pèse sur la croissance et se double d'une crise budgétaire : alors que le déficit public devrait dériver à environ 6% du PIB en 2024, le pays est sans budget pour 2025 à cause de la chute du gouvernement en décembre. Les enquêtes de conjoncture de l'Insee ne prêtent guère à l'optimisme. Pour la première fois depuis avril, la confiance des ménages a amorcé en octobre un repli qui dure. Le climat des affaires s'est détérioré également.
Selon une enquête de Bpifrance Le Lab et Rexecode publiée en novembre, avant même la censure, les dirigeants de PME/TPE estimaient à 56% que l'incertitude politique avait «un impact négatif fort» sur leur activité, et 45% avaient reporté des investissements. «La confiance dégradée et l'incertitude entourant le budget 2025 continuent de peser sur la demande intérieure et cela risque de perdurer dans les prochains mois», souligne Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, dans une note.
Cette situation vient «en partie annihiler» la baisse des taux d'intérêt amorcée en juin par la Banque centrale européenne (BCE), après des relèvements destinés à refroidir l'inflation, souligne Maxime Darmet. La crise a en effet ébranlé la confiance des investisseurs vis-à-vis de la France, comme en témoigne le creusement de l'écart entre les taux d'emprunt français et allemand à 10 ans («spread»). Le taux français dépasse maintenant ceux de l'Espagne et du Portugal, et approche celui de la Grèce, qui avait frôlé la faillite dans les années 2010.
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Dépenses publiques restreintes
Le début 2025 s'annonce morose également, dans un environnement international difficile, où le président américain Donald Trump menace de droits de douane accrus, tandis que le partenaire allemand est en récession depuis deux ans. En France, le nouveau gouvernement ambitionne de réaliser 52 milliards d'euros d'effort budgétaire cette année pour ramener le déficit public à 5,4% du PIB. Il a abaissé sa prévision de croissance de 1,1% à 0,9%.
De son côté, l'Insee table sur une hausse de 0,2% du PIB aux premier et deuxième trimestres, horizon de ses prévisions. Le reflux de l'inflation se poursuivrait - l'Insee la voit à 1% sur un an en juin et le gouvernement à 1,4% en moyenne sur l'année - tandis que la facture d'électricité de la plupart des ménages baissera en moyenne de 15% au 1er février. Cependant, la demande devrait rester «déprimée», affectée notamment par des dépenses publiques plus restreintes, «la consommation n'accélérerait pas» et l'investissement des entreprises baisserait encore de 2%, avance Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas, dans une note.