Affaire de la Semiacs à Nice : suspecté d’avoir orienté une instruction contre un politique, un ancien magistrat entendu par la justice

Un magistrat retraité du tribunal de Nice (Alpes-Maritimes) a été entendu fin février par la justice dans le cadre de l’affaire tentaculaire dite de la «Semiacs» qui concerne la gestion frauduleuse des parkings niçois il y a une dizaine d’années. Il a été placé sous le statut de témoin assisté, a indiqué le parquet au Figaro alors qu’une information judiciaire pour «faux témoignage» est ouverte depuis 2022.

Cet ancien procureur en charge des dossiers économiques et financiers à Nice est suspecté par Benoît Kandel, l’ex-premier adjoint du maire Christian Estrosi entre 2008 et 2013, d’avoir orienté une instruction à son encontre sans réel motif lorsque l’affaire de la Semiacs a éclaté et alors qu’il présidait cette régie des parkings. En novembre 2021, l’ancien élu, finalement mis hors de cause des 17 charges retenues à l’époque contre lui, a décidé de porter plainte contre ce magistrat. Il ne cesse depuis de dénoncer «une exécution politique» : «Je veux laver mon honneur, il doit être établi que ce magistrat est sorti de son devoir parce qu’on le lui a demandé», avait résumé Benoît Kandel au Figaro.

L’ancien bras droit du maire de Nice, aujourd’hui membre du Rassemblement national en charge de la section niçoise, a lui aussi été entendu par la juge fin février, chose qu’il attendait depuis longtemps. Dans ce dossier, il avait versé deux pièces pour le moins troublantes : l’enregistrement d’une conversation avec ce magistrat lors d’un improbable déjeuner et une photo de cette scène dans un restaurant au port de Saint-Laurent-du-Var afin de prouver son existence.

12 nouvelles pièces versées au dossier

Lors de ces échanges, qu’avait pu consulter Le Figaro, le procureur Norbert D. explique à Benoît Kandel que, dans cette affaire, il est «le fusible» et que Christian Estrosi, et «personne d’autre», serait derrière cette manœuvre. Contacté, l’avocat du maire de Nice, Me Olivier Baratelli, avait affirmé que ce dernier n’avait «jamais entendu parler de ce magistrat» et s’était dit «choqué de ces affabulations», envisageant à son tour de porter plainte.

Sollicité après l’audition de son client, Me Julien Darras, le conseil du magistrat retraité, n’a pas souhaité faire de commentaire. De son côté, Me Philippe Chrestia, le nouvel avocat de Benoît Kandel, se satisfait de cette avancée de la procédure qui était espérée depuis plus de deux ans. Douze pièces supplémentaires ont été apportées à la juge, indique-t-il. «Ce magistrat a dirigé l’enquête, il a reçu les comptes rendus de la police judiciaire et c’est aussi lui qui a prolongé la garde à vue de Benoît Kandel», avance Philippe Chrestia. «Ces pièces portent toutes la signature de Norbert D. ou le fait qu’il en était destinataire», insiste-t-il comme preuve de son implication directe.

«Instructions»

Persuadés de la faute de ce procureur, ils espèrent désormais sa mise en examen et un procès pour qu’éclate enfin la vérité dans cette complexe affaire. «Je suis convaincu que Norbert D. n’en veut pas à Benoît Kandel et qu’il a reçu des instructions», poursuit l’avocat niçois. «Il faudrait être fou pour s’en prendre à un magistrat si ce que j’avance n’est pas sérieux et solide», jurait Benoît Kandel lors d’une conférence de presse fin décembre.

L’affaire azuréenne de la Semiacs - nom de la régie à l’époque - n’en finit donc pas, elle qui avait commencé en 2013. Conflit d’intérêts, prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, escroquerie en bande organisée, favoritisme, enrichissement personnel... Autant de faits présumés qui prouvent le poids du dossier.

Un procès doit se tenir au tribunal correctionnel de Nice la semaine prochaine, du 17 au 20 mars (l’audience avait été renvoyée en avril 2024), puisque quatre personnes sont encore poursuivies : l’ancien directeur général de la Semiacs, Henri Alonzo, le gestionnaire des parkings ainsi que deux entrepreneurs locaux. Benoît Kandel devrait, lui, être entendu comme témoin.