Les 24 Heures du Mans motos sortent du circuit : comment l’Automobile club de l’Ouest veut populariser l’événement avec une grande parade

La foule se réveille lorsque les moteurs rugissent dans le Tunnel des Jacobins. Écrasés par un soleil de printemps auquel ils n’étaient plus habitués, les spectateurs attendent avec impatience de voir défiler les champions de demain. Enfin, les 53 motos s’élancent sur la place sous les regards ébahis des curieux et des passionnés qui se sont réunis pour l’occasion. Quelques nourrissons fondent en larmes, impressionnés par le bruit, tandis que leurs parents appuient frénétiquement sur le déclencheur de leur appareil photo.

Ce mercredi 16 avril, pour la seconde fois seulement depuis la création des 24 Heures Motos en 1978, les pilotes ont l’honneur de parader dans le centre-ville du Mans. Un honneur d’ordinaire réservé aux concurrents de la version automobile des «24 Heures». Mais vu le succès et le bon déroulé de la parade qui s’était tenue l’année dernière pour la première fois, l’Automobile club de l’Ouest (ACO) a décidé de réitérer l’événement.

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Échange avec le public

Avant que les 53 pilotes ne s’affrontent dès le lendemain sur le circuit Bugatti (4,185 km) pour la première session de qualification, cet après-midi est l’occasion d’un échange convivial avec les futurs spectateurs. «Ça nous permet d’échanger avec le grand public et de ne pas rester entre nous sur le circuit», se réjouit Fabrice, l’un des mécaniciens de l’écurie sarthoise Team Metiss. «Les passionnés nous reconnaissent, et les non-initiés se posent des questions», s’amuse-t-il. On voit même quelques bambins qui, équipés de casques anti-bruit, peuvent profiter du spectacle. Les plus chanceux d’entre eux se font hisser sur les impressionnantes machines stationnées au pied de la cathédrale Saint-Julien. Baignés de soleil, les moteurs, les casques, et les chromes scintillent du même éclat que les yeux des passionnés de tous âges.

Un événement familial qui rassemble les Manceaux et les notables d’une des capitales mondiales de l’automobile, tandis que certains arrivent de plus loin. «On vient de Montpellier !», lance Vincent, père de famille passionné de moto. «Ça va être beaucoup d’émotion, mais c’est aussi l’occasion de partager des moments en famille», se réjouit le méridional qui n’a pas craint de parcourir les presque 800 kilomètres qui séparent Le Mans de sa ville natale. Un instant, Glwadys Ancelot, élue Miss Sarthe il y a tout juste un mois, vole la vedette aux champions et capte l’attention de quelques écoliers facilement distraits. «C’est un événement très attendu et le public est au rendez-vous», remarque-t-elle en découvrant la foule agglutinée autour des pilotes.

Mais les stars restent bien les motos. «C’est la première année que j’assiste à la parade des motos, l’année dernière je n’étais pas venu. Mais je viens d’une famille de motards donc j’ai hâte de voir les machines», s’impatiente Jonathan. D’autres s’avouent agnostiques, et viennent pour faire plaisir à un proche. «Moi je suis passionnée de moto», bondit Emma, lycéenne. Avant que son ami qui l’accompagne rétorque benoîtement : «moi pas du tout, j’y connais rien», non sans décevoir la jeune fille qui semble découvrir le fossé qui les sépare.

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«Ramener la course dans le Mans»

Lancées en 1978 par l’Automobile club de l’Ouest (ACO), les 24 Heures Motos disputent cette année leur 48e édition, du 17 au 20 avril. Depuis sa création, les constructeurs japonais se sont imposés : 15 victoires pour Suzuki, 14 pour Kawasaki, idem pour Honda, suivi de loin par Yamaha et ses quatre victoires qui suffisent à hisser l’industriel nippon au pied du podium. Cette domination des industriels de l’autre bout du monde suffit-elle à expliquer que cette course d’endurance internationale soit restée, jusqu’à ce jour, dans l’ombre des 24 Heures du Mans ?

En tout cas, l’ACO veut booster l’événement pour reconquérir un public familial. «Nous voulions renforcer le lien avec les habitants du Mans et rendre à l’événement son côté populaire», explique Vincent Beaumesnil, directeur Sport et Infrastructures à l’ACO. En 2023, la course avait enregistré 78.000 entrées. Presque cinq fois moins que la course automobile qui fêtera en juin sa 93e édition. «Il reste encore des places, mais l’objectif n’est pas uniquement commercial : nous cherchons avant tout à diversifier le public», souligne Vincent Beaumesnil.

Traditionnellement, les 24 Heures Motos mobilisent un public d’initiés… Souvent turbulents. «Ces dernières années, nous avons eu quelques problèmes avec un certain public dont nous ne voulons plus : celui qui fait des ruptures moteur (pousser le moteur jusqu’à entendre un fort claquement ostentatoire, qui peut s’accompagner de flammes à l’échappement, NDLR) toute la nuit sur les campings et qui vient juste pour faire la fête à outrance», illustre-t-il. Des événements plus graves, comme la mort de neuf motards dans un rodéo sauvage en marge de la fête en 1992, avaient même incité les organisateurs à cloisonner les réjouissances sur le circuit, privant les commerçants locaux d’importants revenus depuis plus de trente ans. «Le fait de déplacer l’événement le temps d’une journée génère de grosses retombées économiques pour les commerces locaux», admet Lydia Hamonou-Boiroux, conseillère métropolitaine déléguée au Tourisme.

«C’est un succès qui va au-delà de ce qu’on pouvait imaginer», se réjouit le maire du Mans, Stéphane Le Foll, qui soutient la stratégie de l’ACO. «On essaye de s’organiser pour que les motos et les motards reviennent en ville, mais dans l’ordre. L’objectif est d’éviter les débordements d’il y a 20 ou 30 ans, et je trouve que c’est très réussi», ajoute-t-il. De quoi inspirer d’autres hauts lieux des sports mécaniques ? Ambassadeur Honda très impliqué dans les divers événements qui se tiennent sur le mythique circuit de Suzuka, au Japon, Takumi Nishiyama espère bien s’inspirer de l’initiative de l’ACO. «C’est sûr que le public japonais sera au rendez-vous», assure-t-il, euphorique, au milieu de la foule en liesse. Quoique organiser une parade automobile en pleine semaine n’a rien d’évident au pays du Soleil-Levant, ce que déplore Takumi Nishiyama : «le problème, c’est que chez nous, au Japon, il n’y a pas de vacances scolaires !»