UFC 315 : le combat pour l’histoire de Manon Fiorot
Lors de l’UFC 315 qui aura lieu à Montréal, c’est-à-dire un peu chez nous, Manon ne sera pas le seul Français. Benoît Saint-Denis combattra un peu plus tôt dans la soirée. Il y a un temps qui paraît si lointain tant ce sport va vite, c’est lui qui était notre compatriote le plus proche du Graal : la ceinture incontestée. Interrogé par Le Figaro au sujet de cette première ceinture qui pourrait lui échapper ce dix mai, il a été très chevaleresque : «comme on dit, les dames d’abord».
Cette victoire aurait une grande portée symbolique. Elle entérinerait que la France est devenue une place-forte de la grande bagarre. Elle ferait taire (trop brièvement hélas) les misogynes. Elle montrerait que le plus haut niveau mondial est accessible depuis la province, en l’occurrence depuis Nice, une leçon fort saine pour Paris. Le triomphe de cette blonde très féminine tordrait le coup à tous les clichés qui ont dégradé l’image de ce sport. «Elle comme Benoît Saint-Denis sont des combattants qui donnent une belle image de la France. Ils sont fiers de leur pays. Ils vont combattre pour le peuple et ils vont s’apercevoir qu’il est derrière eux» savoure son entraîneur de luta livre Flavio Santiago Peroba.
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Voici les protagonistes, en commençant par notre compatriote, qui part légèrement favorite. Manon Fiorot a trente-cinq ans. Spécialiste du pied-poing, elle combat principalement debout et à la frappe. Son coup signature ? Le «side-kick», consistant à se mettre de profil pour envoyer un coup puissant avec le bol du pied ou le talon dans les côtes de l’adversaire. Pour autant, elle possède une excellente défense de lutte et un sol dangereux. Elle sera âpre à battre. Elle a battu une légende sans trembler (Rose Namajunas) et l’étoile montante de la catégorie avec autorité (Erina Blanchefield). Physiquement elle est très puissante : dans son club, le Boxing squad (Nice) elle s’entraîne avec des garçons. «Un physique extraordinaire» selon Flavio Santiago Peroba, qui salue le travail du préparateur physique Jean-Valère Demard en proprioception.
Certes elle n’a pas combattu depuis environ un an, mais elle a fait un camp pour être remplaçante lors du combat Shevchenko-Grasso en septembre dernier. Elle sera affûtée ! Son entraîneur Aldric Cassata lui a concocté un camp d’entraînement avec la crème des combattantes. Il est doué dans l’analyse vidéo, et a ses marottes : vider la jauge des adversaires en contrôle contre la cage, gagner le combat reprise par reprise.
Une adversaire redoutable
De son côté, la championne Valentina Shevchenko a trente-six ans, et la double nationalité kirghize-péruvienne. Comme Manon, elle a une carrière en boxe pieds-poings avant le MMA. Elle cadre bien ses adversaires, et place des attaques en ligne explosives. La pression qu’elle met par sa posture force ses adversaires à attaquer pour sortir du bord de cage, et ces attaques prévues sont autant d’occasions de contres pour Shevchenko. Si l’adversaire reste en place, elle met à profit l’espace pour des coups de pied façon Taekwondo. Attention à ses coudes et genoux au «clinch». Elle est capable de muer spectaculairement en grappleuse si ses frappes sont en échec. Son niveau de dangerosité au sol est extrême, mais encore faudra-t-il y amener Manon : «ça ne va pas être facile» euphémise Flavio Santiago Peroba. Les chiffres sont éloquents : vingt-neuf combats, vingt-quatre victoires, huit par KO et sept par soumission. Elle n’est pas championne pour rien. Ne nous y trompons pas : c’est l’une des meilleures combattantes féminines de l’histoire. Gagner la ceinture en la battant serait un exploit monumental.
Comment gagner ? Valentina Shevchenko a un style varié, très abouti et mature. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Mauvaise parce qu’elle sera à son niveau, bonne parce qu’elle sera prévisible dans certaines séquences, et donc contrable tactiquement. Du moins debout. Son style varié souffre de quelques failles. Par exemple, sa lutte offensive est très bonne, mais se base en grande partie sur le clinch et les plongeons dans les jambes lorsque l’adversaire engage trop ses coups en boxe anglaise. Autrement dit, elle capitalise sur les erreurs de l’adversaire. Si Manon tourne bien autour, qu’elle est disciplinée sur ses attaques et ne surengage pas, les tentatives d’amenée au sol de la championne seront neutralisées. En boxe anglaise, justement, Valentina Shevchenko n’est pas imbattable et se repose beaucoup sur son bras avant. Le coup classique consistant à user ses jambes et ses genoux à coups de pied pourrait être une option, mais à utiliser avec opportunisme avec une condition obligatoire : ne pas se faire saisir les jambes, donc ne pas se lancer sans préparation préalable aux poings destinée à faire lever sa garde. Enfin, comme tous les combattants qui mettent la pression, Valentina Shevchenko fatigue lorsqu’elle la subit à son tour.
Manon aura ramé pour obtenir ce combat. À son âge, il sera probablement sa seule chance de devenir championne. Pas assez fluide en anglais, pas assez médiatisée, elle a dû s’imposer par la logique sportive plus que n’importe qui. Ce soir une ceinture est en jeu. Il faut gagner. Pour le panache, on verra une autre fois.