Corentin Le Fur : « Sortir les heures supplémentaires du revenu fiscal de référence est une manière de valoriser le travail plus que l’assistanat »
LE FIGARO .- Vous défendez une proposition de loi visant à sortir des heures supplémentaires du calcul du revenu fiscal de référence. Quel est votre objectif ?
Corentin LE FUR .- Travailler plus ne doit pas rimer avec payer plus. Le premier objectif de cette proposition de loi est de redonner du pouvoir d’achat à des ménages qui ne sont pas forcément imposables, et donc pas concernés par les mécanismes de défiscalisation des heures supplémentaires qui existent déjà. À cause des effets de seuil liés au revenu fiscal de référence, ces ménages sont contraints de payer plus cher la crèche de leurs enfants, la cantine scolaire, leur logement et nombre de prestations, simplement par ce qu’ils ont choisi d’augmenter leurs revenus en effectuant ces heures supplémentaires. En sortant ces heures du revenu fiscal de référence, on encourage le travail. Cela correspond d’ailleurs à l’un des axes fort des politiques défendues par notre groupe et par Laurent Wauquiez consistant à soutenir un principe simple : le travail doit payer plus que l’assistanat. L’adoption de ce texte permet donc d’envoyer un signal clair et de rompre avec ce qui trop souvent vécu comme une injustice par de nombreuses familles.
Quels sont les foyers les plus concernés par ces nouvelles dispositions ?
Cette mesure de pouvoir d’achat est proposée à destination des laborieux qui font l’effort de travailler un peu plus, et qui ont souvent le sentiment de travailler pour entretenir ceux qui ne travaillent pas, ou qui ne veulent pas travailler. 38% de salariés concernés par ces heures supplémentaires sont majoritairement des ouvriers et des employés, avec des salaires modestes. Leur investissement doit être reconnu et valorisé.
Quel est l'impact sur les finances publiques ?
C’est une question légitime qui a été posée en commission et un amendement a été voté pour prévoir une limite. Elle sera fixée précisément par décret. Mais j’insiste, cette mesure est prioritairement destinée aux revenus moyens et modestes, sachant que la moyenne annuelle des heures supplémentaires atteint 192 heures. Cette ressource est souvent attendue comme un petit coup de pouce mais l’on a constaté que tout ce que ces ménages gagnaient en plus grâce aux heures supplémentaires, pouvait être perdu intégralement. Autrement dit, ce que vous gagnez d’un côté, vous le perdez de l’autre et parfois, dans des proportions importantes. C’est cela qui est vécu comme une injustice.
Pourriez-vous citer un exemple concret ?
Une maman qui élève seule sa fille, ouvrière dans un abattoir touche 17 000 euros par an de revenu et gagne 1000 euros de plus grâce aux heures supplémentaires. Ces heures sont défiscalisées mais cela ne change absolument rien pour elles car elle n’est pas imposable. En revanche son revenu fiscal de référence augmente mécaniquement de 1000 euros. Et parce qu’elle a accepté de travailler un peu plus, pour gagner un peu plus, elle se retrouve pénalisée : elle n’est plus éligible à une bourse scolaire pour sa fille, ni à la cantine à 1€, elle n’a plus le droit à l’aide juridictionnelle pour la procédure qu’elle a engagée contre son ex-mari... Toutes les aides fiscales (aide à la rénovation thermique, prime à la conversion, accès au livret d’épargne populaire...) ne lui sont plus accessibles. Au final, dans l’état actuel, elle perd bien plus que les 1000€ gagnés avec les heures supplémentaires. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que certains salariés préfèrent travailler au noir.