"Franchement, c'est très compliqué" : entre fatigue et réalité économique, un retour de la retraite à 62 ans divise les professionnels de la restauration
Un non qui fait beaucoup parler. Le Premier ministre François Bayrou a clairement fermé la porte dimanche à un retour de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, mettant en péril l'avenir du "conclave" sur la réforme de 2023. Interrogé sur France Inter, dimanche 16 mars, sur la possibilité de ce retour à 62 ans, contre 64 ans dans la loi actuelle, le Premier ministre a répondu "non". "Je ne crois pas que la question paramétrique, comme on dit, c'est-à-dire la question de dire 'voilà l'âge pour tout le monde' (...) soit la seule piste", a-t-il précisé.
Les syndicats CFDT et CGT ont estimé "incompréhensible" et "scandaleux" un tel rejet, quand le ministre de l'Economie Eric Lombard a atténué cette déclaration en affirmant que "c'est aux partenaires sociaux de décider" de l'issue de ce "conclave".
"Sept jours sur sept, on court, on court..."
Sur le terrain, cette question du retour de l'âge de départ à la retraite à 62 ans contre 64 ans dans la loi actuelle, fait débat. Deux ans après la réforme des retraites, Stéphane ne la digère toujours pas : "Parce que je suis fatigué ! Je travaille 12 à 13 heures par jour depuis 30 ans", glisse-t-il. Selon lui, travailler jusqu'à 64 ans, c'est demander l'impossible. "Sept jours sur sept, on court, on court...", souffle ce restaurateur de bientôt 56 ans, croisé à l'heure de la fermeture.
Des arguments repris par ce maître d'hôtel dans une brasserie de renom : "Oui, j'ai commencé à 16 ans et demi. Dans certains restaurants, c'est beaucoup de pression, avec des grosses terrasses. Franchement, c'est très compliqué. J'ai travaillé de nuit aussi", raconte-t-il. Pour autant, revenir à 62 ans comme âge de départ légal à la retraite, ce serait pour lui une erreur : "La France est tellement endettée. Alors imaginez, si on descend la retraite de deux ans, au niveau des comptes, ça ne tiendra pas. Ce serait un gouffre financier abyssal", avance-t-il.
Prendre sa retraite à 62 ou 64 ans ? Régine se sent étrangère à ce débat. "Je dois continuer à travailler jusqu'à un taux plein, c'est-à-dire 67 ans, pour pouvoir avoir une retraite qui me permette de vivre", glisse cette multidiplômée qui vient de retrouver le marché du travail à 61 ans, après une carrière d'enseignante, suivi d'un burn-out. Elle est désormais cuisinière à temps partiel dans un restaurant d'Aix-en-Provence : "Si j'arrive à 700 euros, ce sera bien". Pour s'en sortir, Régine partage aujourd'hui son appartement avec une étudiante qui lui verse un petit loyer.