Derrière la multiplication des appels par des numéros en +44, une nouvelle forme d’arnaque « à la tâche »

Votre téléphone vibre et un numéro commençant par +44 indique que la personne qui cherche à vous joindre est basée au Royaume-Uni. Si cette scène vous semble familière, c’est parce que les appels de ce genre se multiplient de manière intensive en France ces derniers temps. « Moi-même, j’ai reçu 3 à 4 appels sur mes téléphones professionnel et personnel venant du Royaume-Uni au mois de mars » confie Benoît Grunemwald, spécialiste en cybersécurité pour les laboratoires ESET.

À l’autre bout du fil, il ne faut pas espérer tomber sur un Londonien qui chercherait à prendre de vos nouvelles. Votre interlocuteur sera plutôt une voix automatisée générée par intelligence artificielle qui va chercher à vous escroquer.

2024 ou l’année de la fuite de données

Pour Benoît Grunemwald, l’ampleur du phénomène a plusieurs explications. Tout d’abord, l’expert explique que l’année 2024 fut celle d’un nombre important de fuites de donnéesL’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) déclaraient en janvier avoir enregistré en 2024 « 5629 notifications de violations de données, c’est 20% de plus qu’en 2023 ». 

Une tendance à la hausse illustrée notamment par la cyberattaque à l’encontre du géant Free en octobre dernier. Celle-ci avait entraîné la fuite des données de plus de 19 millions d’utilisateurs, dont les numéros de téléphone portable. « On peut dire qu’au moins la moitié des Français ont vu leurs données fuiter en 2024. Des informations personnelles et nominatives ensuite mises à disposition sur le darknet  pour des potentiels arnaqueurs », analyse Benoît Grunemwald.

Missions simples contre une grosse rémunération fictive

Une fois votre numéro récupéré, la voix à l’autre bout du fil vous propose d’effectuer des missions simples sur internet contre une rémunération alléchante. «Comme mettre des mauvais commentaires sous le profil d’un restaurant dans lequel vous n’avez jamais mis les pieds », explique Benoît Grunemwald. Promettant parfois quarante euros contre cette tâche facile à réaliser. La liste des tâches à effectuer se trouve sur une plateforme en ligne... mais il faut payer une vingtaine d’euros pour y accéder. L ’arnaque consiste à ne jamais vous permettre de récupérer vos gains, d’où le terme d’arnaque « à la tâche ». « Il est possible qu’on vous demande de payer avant d’enfin toucher votre dû. Vos données bancaires seront alors récupérées, et vous ne verrez pas la couleur de ce qui vous a été promis », poursuit l’expert.

Si l’arnaque semble facilement repérable, le spécialiste invite à ne pas sous-estimer le pouvoir de l’appât du gain. « On peut tous à un moment ou un autre de notre vie être sensible à un type d’arnaque. Si on est en transition professionnelle, qu’on a besoin d’un coup de pouce financier. La promesse de l’argent facile fonctionne dans ces cas-là. Il n’y a pas de prédisposition pour tomber dans ce type de pièges ».

WhatsApp, un autre terrain de jeu pour les arnaques

Concernant l’origine de ces appels, certains spécialistes présument que les arnaqueurs pourraient être localisés en Asie, sans qu’il soit pour l’instant possible d’identifier formellement qui se cache derrière l’entourloupe. Si le numéro est quant à lui britannique, c’est surtout pour gagner en crédibilité et contourner les restrictions du démarchage téléphonique qui limitent les possibilités d’user de numéros français pour mener de telles opérations.

Une fois l’appel terminé, la victime est bien souvent renvoyée sur WhatsApp. La plateforme de META est déjà largement prisée par les arnaqueurs qui n’hésitent pas reprendre les numéros de téléphone de vos proches pour entrer en contact et vous renvoyer vers des liens frauduleux.

Avant même l’apparition des faux numéros britanniques, les promesses de rémunération à la tâche se déployaient déjà sur la messagerie en ligne. Et ce via l’ajout à des groupes de discussion dans lesquels on vous promet que la richesse est à portée de clics.

Essor des appels en +31 localisés aux Pays-Bas

Benoît Grunemwald préconise alors de rester vigilant et de toujours mettre en perspective les sommes promises avec les salaires qu’on peut trouver dans une entreprise classique. « Les gens se font la fausse idée qu’on peut devenir millionnaire en quelques clics sur internet. Il voit des influenceurs  avec des voitures et des maisons de luxe. Alors, quand on leur promet une belle somme contre quelques taches à faire en ligne, ils se disent que c’est possible ».

Si les appels frauduleux via des numéros britanniques commencent à être identifiés comme de potentielles arnaques, ceux en provenance des Pays-Bas prennent à leur tour de l’ampleur. Le mode opératoire est le même mais le numéro commence cette fois par +31. Ressemblant d’avantage aux numérotations françaises qui commencent par +33, ces nouveaux numéros peuvent prêter à confusion et gagner la confiance des personnes contactées. Que les appels soient britanniques ou néerlandais, le mieux reste de ne pas décrocher.