En difficulté, Gifi arrache un dernier sursis à ses créanciers pour aller de l’avant
L’enseigne de bazar Gifi, qui compte 700 points de vente, ne sera ni cédée en un bloc, ni vendue à la découpe, ni liquidée. Son fondateur, Philippe Ginestet, reste finalement propriétaire de l’entreprise familiale qu’il a créé en 1981, aujourd’hui en grande difficulté. Après avoir cherché un repreneur, ses créanciers ont décidé de lui accorder un dernier sursis en échange de garanties, dans le cadre d’une procédure de conciliation lancée fin août.
Les négociations ont été intenses entre la dizaine de banques impliquées, des membres de Bercy (Ciri) et Philippe Ginestet, pour parvenir à cet accord signé in extremis, dans la nuit de jeudi à vendredi. Les établissements financiers ont accepté d’effacer 470 millions d’euros de dettes, selon une information de La Lettre confirmée au Figaro. Avec cette opération, les banques entrent au capital de l’entreprise mais Philippe Ginestet reste «actionnaire principal» de GIFI, indique l’enseigne qui «sauve son indépendance». L’entreprise percevra également un nouvel apport financier estimé à 150 millions d’euros, précise une source.
En contrepartie, le fondateur apporterait 270 millions d’euros de garanties via sa holding GPG (Groupe Philippe Ginestet), dont le patrimoine immobilier est estimé à quelque 600 millions d’euros (elle comporte d’autres magasins que ceux de Gifi).
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Le fondateur quitte la direction opérationnelle de l’entreprise
Ce n’est pas la première fois que l’homme d’affaires donne des gages. Début 2024, les établissements financiers avaient conclu un accord avec lui pour rééchelonner la dette de Gifi dans le cadre d’une première conciliation. Philippe Ginestet avait obtenu une rallonge de 100 millions d’euros d’argent frais en échange de garanties sur des biens immobiliers détenus par GPG. En vain, l’entreprise n’avait pas réussir à se remonter la pente.
Aussi, pour convaincre les banques de remettre de l’argent au pot dans cette nouvelle procédure, le dirigeant a également dû se mettre en retrait et quitter la direction opérationnelle de l’entreprise. Une décision probablement difficile à prendre pour ce septuagénaire qui a beaucoup de mal à lâcher la barre. Il est toutefois nommé président du nouveau conseil de surveillance. Un directoire est mis en place pour assurer les commandes opérationnelles.
Il y a encore un mois, ce scénario était difficilement envisageable. Une vente de Gifi, dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 1,2 milliard d’euros en 2024, était une option privilégiée. Fin septembre, la banque Lazard avait été mandatée pour trouver un repreneur et plusieurs marques d’intérêt avaient été envoyées, dont celle de Moez-Alexandre Zouari, qui possède déjà les enseignes discount Maxi Bazar et Stokomani. Toutefois, cette cession ne concernait que l’exploitation et n’intégrait pas la vente des murs des magasins aux emplacements stratégiques. Certains observateurs redoutaient également que l’affaire se finisse en procédure de sauvegarde, voire en redressement judiciaire.
Avec des pertes estimées autour 40 millions d’euros selon un observateur averti, l’entreprise est en mauvaise forme. Certes, sa situation s’est dégradée à partir du printemps 2023, secouée par une panne informatique d’envergure. «Pendant plusieurs mois, nous n’avions plus de vision sur les ventes et sur les stocks. On a eu des problèmes de réapprovisionnement», expliquait récemment un salarié.
Des stocks très élevés
Mais cette panne n’explique pas à elle seule les difficultés dans lesquelles est plongé le spécialiste du bazar, après avoir connu des années de gloire. En réalité, Gifi a du mal à résister à la féroce concurrence des nouveaux acteurs du hard discount. Tels l’enseigne de «hard discount» néerlandaise Action, qui ne cesse d’ouvrir des magasins ces dernières années. Ou le site en ligne chinois Temu, qui séduit de plus en plus de consommateurs avec ses articles vendus à prix cassés.
Pour redresser la barre, un plan de relance sur trois ans va être mis en place. Gifi va devoir trouver rapidement une solution pour écouler les stocks qui restent très élevés dans les magasins et les entrepôts depuis la panne informatique. Bien plus délicat : la réduction des coûts via un plan d’économies. Outre s’attaquer au système logistique et aux importantes dépenses en communication, la direction pourra difficilement éviter l’épineux sujet des effectifs jugés trop nombreux, explique un observateur averti.