Syrie : Hama, ville théâtre d'un massacre jamais oublié dans les années 1980

De quoi Hama est-elle le nom ? Si la ville syrienne, encerclée depuis mercredi 4 décembre par les rebelles, a joué un rôle important ces dernières décennies avec d'immenses manifestations contre le président Bachar al-Assad, elle a surtout été le théâtre d'un massacre resté comme l'une des pages les plus noires de l'Histoire de la Syrie, dans les années 1980.

Située à 210 km au nord de Damas, la quatrième ville du pays est stratégique car elle se trouve entre la ville septentrionale d'Alep, tombée le 1er décembre aux mains des rebelles, et la capitale, fief du pouvoir de Bachar al-Assad.

À majorité sunnite, cette ville conservatrice de près d'un million d'habitants compte également une minorité alaouite dont est issu le clan Assad, au pouvoir en Syrie depuis plus de cinq décennies.

Comme d'autres villes syriennes, elle s'était rebellée contre le pouvoir de Bachar al-Assad en 2011, au plus fort du soulèvement populaire qui a par la suite dégénéré en guerre civile. Des centaines de milliers de personnes étaient alors descendues dans les rues, scandant "Dégage" à l'adresse du chef de l'État.

Les ambassadeurs des États-Unis et de la France de l'époque, s'étaient rendus dans la ville, désertée par l'armée, à la rencontre des manifestants, suscitant l'ire du pouvoir. Quelques semaines après, l'armée avait lancé une vaste offensive contre Hama qui a fait 100 morts.

Rifaat al-Assad, "le boucher de Hama"

Dans les années 80, Hama avait été le théâtre d'une répression sanglante d'un soulèvement des Frères musulmans, alors principale force d'opposition à Hafez al-Assad (1970-2000), père de l'actuel président. 

Bête noire du pouvoir, ils avaient perpétré plusieurs attentats, notamment l'attaque sanglante contre l'école d'artillerie d'Alep en 1979. 

Début février 1982, une vingtaine de notables membres du parti Baas (au pouvoir) sont tués par des Frères musulmans, dont les membres se retranchent ensuite dans les mosquées, d'où ils auraient lancé des appels à l'insurrection.

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Les représailles sont brutales : selon diverses sources, les émeutes et les opérations militaires dans la ville menées pendant environ un mois et dans le black-out médiatique le plus total ont fait entre 10 000 et 40 000 morts, selon les estimations.

Il a fallu plus de trois semaines aux forces syriennes, qui ont eu recours à l'artillerie et aux blindés, pour venir à bout de ce soulèvement, au prix de destructions et de pertes humaines considérables. Selon des témoignages, plus de 10 000 soldats furent mobilisés.

La répression sanglante a été menée par le frère de Hafez al-Assad, Rifaat, alors à la tête des "Brigades de défense" (Saray al-Difaa) redoutées, corps d'élite du pouvoir. Il a été surnommé plus tard "le boucher de Hama".

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En mars 2024, Rifaat al-Assad a été renvoyé devant la justice suisse pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. "Plusieurs milliers de civils auraient été victimes de diverses exactions, allant de l'exécution immédiate à la détention et la torture dans des centres spécialement créés, ce dont plusieurs témoignages font état", selon le parquet.

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Hama est aussi célèbre pour ses norias (roues d'irrigation) qui bordent le fleuve Oronte, et constituent une attraction principale de la cité. Ces norias avaient été développées il y a plusieurs siècles pour irriguer à l'ère médiévale les jardins de la ville et apporter de l'eau aux hammams, mosquées et puits de la ville. Elles sont, d'après l'Unesco, "uniques non seulement en Syrie mais probablement dans le monde entier".

Avec AFP