Tabou sur les salaires, manque de connaissance financière... Les Français restent mal à l’aise avec l’argent

L’argent reste un sujet délicat en France. Très délicat... Selon une étude publiée ce jeudi par l’ObSoCo et BforBank 48% des Français considèrent qu’il est plus difficile de parler d’argent que de politique ou de sexualité. À ce titre, l’argent s’impose comme un facteur de stress et de discorde. Un quart des Français jugent difficile d’aborder la question de salaires avec leurs proches, et 45% éprouvent des difficultés à parler de leurs problèmes budgétaires. « Le tabou est tel que l’argent devient une source de disputes, notamment dans les couples », analyse Agnès Crozet, co-fondatrice de l’ObSoCo. Résultat : 13% des sondés déclarent avoir déjà mis fin à une relation amoureuse ou amicale en raison de tensions financières.

Ce tabou bien ancré s’accompagne d’un déficit de culture financière : seul un Français sur trois estime maîtriser les notions de base, et près d’un sur quatre a déjà renoncé à investir par manque de connaissances. Les sondés admettent eux-mêmes leurs lacunes : 38% ne savent pas évaluer la rentabilité et le risque des placements, et 56% se disent incapables de bien placer leur argent. « Il y a un grand déficit de connaissances sur le sujet, un déficit de compétences », souligne Jean-Bernard Mas, directeur général de BforBank. Ce manque de maîtrise se traduit par une certaine défiance envers les institutions bancaires. Selon l’étude, pour 20% des Français l’appel du banquier est synonyme de mauvaise nouvelle. Pourtant, le conseiller bancaire reste la principale source d’information financière, loin devant les proches et les influenceurs spécialisés.

Un bien-être financier mal réparti

Si 37% des Français estiment être en situation de bien-être financier, ce chiffre cache de nombreuses disparités. «Le bien-être financier, c’est maîtriser ses revenus, avoir un minimum de solde bancaire chaque mois. Mais c’est aussi ne plus être à découvert, ne plus regarder les prix ou encore être propriétaire», explique Agnès Crozet. Le bien-être financier ne dépend pas uniquement du niveau de revenu. «Ce n’est pas forcément une question de salaire, mais de gestion des finances et de son épargne», précise Jean-Bernard Mas. La perception du bien-être financier semble en légère amélioration : il a progressé de deux points de pourcentage en deux ans, probablement en lien avec une atténuation du sentiment de spirale inflationniste, explique le directeur général de la banque.

Pourtant, 58% des Français restent insatisfaits de leur situation financière, et 40% des sondés pensent qu’elle se détériorera dans les 12 prochains mois, notamment les 65-75 ans. Les jeunes (18-24 ans), paradoxalement, sont ceux qui déclarent le plus fort sentiment de bien-être financier, malgré des revenus souvent plus faibles. L’étude définit le bien-être financier comme l’absence de restrictions sur les dépenses essentielles, la capacité à anticiper l’évolution de sa situation, la sensation générale vis-à-vis de ses finances et le ressenti face à l’argent. Des critères qui restent hors de portée pour une grande partie de la population.

Des inégalités de genre marquées

La culture financière souffre également d’un déséquilibre entre les hommes et les femmes. 58% des femmes s’estiment en retrait sur les questions d’argent et d’investissement. « Culturellement, l’homme gère plus souvent les finances du foyer, ce qui pousse les femmes à penser qu’elles n’en sont pas capables, alors que ce n’est pas forcément vrai. C’est une question de confiance en soi à travailler chez ce public-là », explique Agnès Crozet. Un biais qui renforce les inégalités, les femmes gagnant déjà en moyenne moins que les hommes.

Face à ces constats, les banques et les institutions financières commencent à se mobiliser. À l’approche de la semaine de l’éducation financière, qui se déroulera la semaine du 16 mars, Jean-Bernard Mas estime qu’ « il y a un devoir d’éducation, il faut vulgariser les investissements ». Pourtant, seuls 33% des Français pensent que leur banque a un rôle à jouer dans leur bien-être financier.