Cette course aux profits très émettrice de CO2
Gérard Le Puill
Selon la Commission européenne, suivie par les gouvernements des pays membres de l’Union européenne, l’interdiction de vendre des véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035 devait permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En France, cet objectif est déjà hors d’atteinte à en juger par la faiblesse de la réduction des émissions de CO2 en 2024.
On apprenait au début ce mois de mai que les émissions de CO2 imputables aux transports en France métropolitaine n’avaient reculé que de -0,7% en 2024 contre -3,4% en 2023. La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) dont s’est dotée la France pour tenir ses engagements européens prévoyait une baisse des émissions de -55% d’ici 2030, avec un recul moyen de – 3% par an d’ici 2028 et de -4,5% entre 2029 et 2033. Parmi les raisons de cette augmentation des émissions de CO2 dans les transports, figure le recul du trafic SNCF, notamment sur les lignes secondaires du réseau ferroviaire.
Tandis que l’ouverture à la concurrence au niveau de l’Union européenne accroît l’offre globale sur les grandes lignes avec les trains à grande vitesse, on délaisse en France les lignes secondaires alors qu’il conviendrait de les dynamiser. Pire encore, on apprenait ce matin sur BFMTV que vient de sortir un rapport indiquant que 4.000 kilomètres de voies ferrées seront bientôt hors d’usage en France du fait d’un manque d’entretien, faute de moyens financiers à la SNCF pour les rénover. Un précédent rapport de 320 pages publié au début de l’année 2023 avertissait déjà sur cette situation alarmante du réseau ferré secondaire.
Dans ce contexte, le recours au vélo contribuera-t-il à faire reculer les émissions de CO2 dans les transports ? Un article publié dans « Aujourd’hui en France » le 6 mai relevait que « près du quart des Français sont des cyclistes réguliers. 10% d’entre eux enfourchent leur monture chaque jour et 14% au moins une fois par semaine. 30% en font occasionnellement quand 46% ne pratiquent jamais ». Parmi ceux et celles qui utilisent le vélo à traction musculaire, « plus de la moitié des usagers de la petite reine l’empruntent pour faire du sport ou se promener. 17% l’utilisent pour se rendre au travail, 8% pour aller sur un lieu d’études, 28% pour faire les courses ». Dit autrement, on enfourche surtout son vélo pour faire un peu de sport et de moins en moins pour se rendre au travail.
Les pistes cyclables terrain de jeu des trottinettes électriques
Selon les chiffres rendus publics le 25 avril denier par « l’Union Sport et Cycle » un peu moins de 2 millions de vélos neufs ont été vendus en France en 2024. Dans ce chiffre, on compte 560.000 vélos électriques, soit 29% du total des ventes. Alors que beaucoup de communes ont investi des sommes parfois importantes ces dernières années pour aménager des pistes cyclables, la fréquentation moyenne de ces pistes n’a augmenté que 1% en 2024 selon les chiffres fournis par un réseau qui rassemble 450 collectivités territoriales. Sur ces pistes, on, voit de plus en plus de trottinettes électriques circulant à vive allure et de manière souvent dangereuse, sans même parler du bilan carbone de leur construction et de leur utilisation.
Depuis le début du mois de mai, la décision des pays membres de l’OPEP et de leurs associés d’augmenter la production de pétrole a fait passer le prix du baril sous les 60 dollars. Cette décision intervient comme une incitation à augmenter la consommation pétrolière par les voitures individuelles et les camions. Elle pousse à augmenter la circulation routière au détriment du rail, ce qui augmente les émissions de CO2 un peu partout dans le monde. En France elle pousse aussi à garder les vieilles chaudières au fioul pourtant décriées pour leur bilan carbone.
En raison du recul du pouvoir d’achat de nombreux ménages, les ventes de voitures d’occasion équipées d’un moteur diesel ou à essence continuent d’augmenter en France et en Europe, au détriment des voitures équipées d’un moteur électrique, lesquelles sont de plus en plus chères à l’achat. Dun coup l’objectif de la Commission européenne visant à interdire en Europe les véhicules neufs équipés d’un moteur thermique à partir de 2035 et de plus en plus contesté par les constructeurs.
La course au profit est très émettrice de CO2
Pour ces derniers, la course au profit demeure le principal objectif. Mais elle serait en partie contrariée par certains aspects de la règlementation européenne, laquelle devient le nouveau bouc émissaire des multinationales de l’automobile. Le Figaro du 6 mai, a interrogé en même temps Luca de Meo, PDG de Renault et John Elkann, petit fils de Giovanni Agnelli auquel il avait succédé à la direction de Fiat. Il est désormais le PDG de Stellantis, la firme qui a récemment débarqué Carlos Tavares, pour cause de profits insuffisants en 2024. Selon Luca de Meo, « les règles européennes font que nos voitures sont toujours plus complexes, toujours plus lourdes, toujours plus chères, et que les gens, pour la plupart, ne peuvent tout simplement plus se les payer ». Cet argumentaire lui permet de justifier la construction de la nouvelle Twingo électrique en Slovénie, plutôt qu’en France. Selon le nouveau PDG de Stellantis, « l’Europe doit choisir si elle veut encore être une terre d’industrie automobile où un simple marché. Dans cinq ans, à ce rythme de déclin, il sera trop tard ».
Certes, la décision bureaucratique prise par les pays membres de l’Union européenne d’interdire la vente de véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035 sur proposition de la Commission européenne était aberrante. Mais la manière dont les firmes dispersent les sites de production pour la production des pièces et pour le montage des voitures dans les pays aux salaires les plus bas augmente aussi le bilan carbone de la construction de chaque voiture, quelle soit dotée d’un moteur électrique ou thermique.
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