«Ici c’est full auto, Ben Laden» : accueilli chez les talibans en Afghanistan, l’influenceur français Tibi Jones crée la polémique
«24 heures dans le quartier le plus dangereux de Guyane», «J’évite les trafiquants dans les favelas de Rio»... Quel sera le titre de la prochaine vidéo de Tibi Jones? L’influenceur français, spécialisé dans les voyages à risque aux quatre coins du monde et suivi par 461.000 internautes sur YouTube, suscite la polémique depuis qu’il a débarqué en Afghanistan, devenu le fief des talibans depuis le départ des troupes américaines en 2021.
Depuis quelques jours, Tibi Jones, de son vrai nom Thibault Jones, multiplie les vidéos sur ses réseaux sociaux, où il se montre accompagné de talibans, quasiment toujours armés de Kalachnikovs. «Pire qu’avoir une arme dans la main, avoir une caméra, ça peut être mal vu», avance-t-il alors qu’il vient d’arriver à Kaboul. Pour parcourir le pays, il explique donc avoir recours à un guide taliban, maîtrisant l’anglais, afin de «filmer plus facilement».
Passer la publicitéCritique du «narratif» des médias
Il fait directement fi des critiques, qui l’accusent de promouvoir le régime islamiste, qui cherche à s’ouvrir au tourisme depuis plusieurs années. «Le narratif qui nous est expliqué dans les médias occidentaux n’est pas forcément celui qui est sur le terrain, voire assez loin de ça. Outre les talibans, il y a le peuple afghan ; eux souffrent, c’est la pauvreté.» Et de poursuivre: «Il faut donner une voix aux Afghans. J’ai besoin que vous ouvriez votre esprit.»
S’ensuivent plusieurs séquences, où le voit, toujours accompagné de talibans, dans des écoles islamique et privée, dans un marché aux oiseaux, en train de se faire raser dans la rue, ou invité à un mariage dans une immense salle des fêtes. Lors de ses visites, il salue systématiquement la grande «hospitalité» des personnes qu’il croise, qui lui offre des repas ou un logis. Il passe d’ailleurs chacune de ses nuits sur le sol d’une vaste bâtisse, entouré d’une dizaine de talibans.
«Je ne peux pas venir ici sans aborder les sujets sensibles, les femmes, malheureusement à mon échelle je ne peux pas faire grand-chose», précise-t-il dans une vidéo. Alors qu’il visite un centre dentaire, il déclare: «J’avais vu une news comme quoi les femmes n’ont plus le droit de travailler dans des professions liées à la santé, visiblement c’est faux. Des femmes dentistes travaillent pour les femmes et les hommes traitent seulement avec les hommes. C’est intéressant de voir ça, et de voir que ce qu’on nous dit chez nous n’est pas forcément la réalité.»
Selon lui, elles déambulent «dans la rue à Kaboul, avec hijab, niqab, burka, et parfois simplement avec un foulard». «Et la plupart du temps, elles se promènent sans homme», assure-t-il. Il concédera, toutefois, que «plus l’on sort de Kaboul et que l’on va dans la campagne, plus les femmes sont couvertes et absentes».
En visite au «marché des Moudjahidines»
Il se filme, plus tard, en train de tester une Kalachnikov. Il présente ses différents modes de tir, du coup par coup à l’automatique. «Ici, c’est full auto, Ben Laden», plaisante-t-il, avant d’ouvrir le feu dans une rivière, sous le rire de ses accompagnants. Il se rend ensuite au «marché des Moudjahidines », où «vous pouvez acheter tout ce qu’il vous faut pour tuer des gens», et se vêtit d’un gilet par balle et d’un casque de soldat américain. «À Roissy Charles de Gaulle, essayez de ne pas me contrôler», lance-t-il face caméra.
Passer la publicitéIl dit également avoir pris l’avion avec des talibans, là encore armés, puis il visite le «cimetière des empires», où est célébrée la résistance talibane contre la Russie et les États-Unis. Il en profitera pour dire être dans une «situation délicate» «Des soldats français sont tombés au combat, j’ai une pensée pour eux, mais c’est une position ambiguë de choisir les bons mots, trouver les bonnes phrases.» Il donne enfin la parole à son guide taliban, au détour d’un repas. «Tout le monde est le bienvenue en Afghanistan, nous vous protégerons, même si vous n’avez pas besoin», dit ce dernier face caméra. «Nous protégerons les femmes (touristes) plus que les hommes, car elles sont vulnérables.».
«Les femmes peuvent se rendre en Afghanistan, elles seront en sécurité»
Le contenu de Tibi Jones a été dénoncé sur les réseaux sociaux, des internautes estimant qu’il «épousait le narratif» des talibans. Le gouvernement taliban est encore largement exclu de la communauté internationale qui lui reproche ses mesures liberticides, prises au nom d’une interprétation ultra-rigoriste de la loi islamique et visant particulièrement les femmes. La Cour pénale internationale (CPI) a émis début juillet des mandats d’arrêt à l’encontre de deux dirigeants talibans pour persécution des Afghanes, qui sont bannies des universités, des salles de sport, des instituts de beauté, des parcs et de nombreux emplois.
Tibi Jones n’est pas le premier influenceur au monde à visiter l’Afghanistan et présenter le régime des talibans positivement. Le youtubeur canadien Nolan Saumure, connu sous le nom de «Seal on Tour», s’était filmé pendant une semaine dans le désert afghan pour montrer «l’autre visage de l’Afghanistan». Il décrivait le pays comme une «fête de la saucisse», avec «des mecs qui font la fête toute la journée».
L’influenceur «Arab», suivi par 1,85 million d’abonnés, se filmait quant à lui en train de «s’entraîner à la guerre» avec des enfants, ou en train d’apprendre à démonter une AK-47. «Les femmes peuvent se rendre en Afghanistan, elles seront en sécurité», disait-il aussi.