Vendée : comment une collectivité veut redonner au château du Boistissandeau ses lettres de noblesse

À l’orée d’une allée entourée de peupliers élagués, le château du Boistissandau se découvre au loin. «Vous voyez, il y a six mois, on ne le voyait pas de la route», se souvient Jacques Dubois, directeur des sites patrimoniaux de la collectivité des Herbiers (Vendée). Une fois franchie la grille d’Honneur, des bancs assortis au style Renaissance s’amassent dans la cour, en attendant de trouver une place définitive. Derrière, des buis d’un jardin à la française sont en train de retrouver leurs formes de boules.

À une dizaine de kilomètres du Puy du Fou, la communauté de communes du Pays des Herbiers veut faire retrouver à cette bâtisse de la fin du XVIe siècle ses lettres de noblesse. Après l’avoir rachetée au Département l’an passé pour un euro symbolique, les élus mènent un projet de revalorisation de cet emblème patrimonial. Si des visiteurs venaient déjà parfois profiter du parc, qui a été grandement réaménagé ces derniers mois, des spectacles vivants sont proposés au grand public depuis fin mai.

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Sauvé de la vente

«Sans nous, il aurait pu être vendu à un promoteur, qui en aurait fait un hôtel ou des logements. C’est une telle pépite qu’on ne pouvait pas l’accepter», souligne Christophe Hogard, président de l’intercommunalité herbretaise. L’histoire du Boistissandeau, dont la plus ancienne mention remonte au XIIIe siècle, fourmille d’événements. Au XVIIe, le seigneur de Boistissandeau est mort lors d’un duel lié à un conflit sur le lieu de sépulture de sa famille. Un siècle plus tard, l’action de Jean-Baptiste Laurent d’Hillerin est régulièrement citée. L’inventeur d’instruments de précision aurait contribué au rayonnement du parc. Et accueilli à maintes reprises son voisin et ami Réaumur, le célèbre physicien. L’une des chambres porte toujours son nom aujourd’hui. Plus tristement, le Boistissandeau porte les stigmates de l’assassinat en 1794 de Marie Agathe Bouret de Beuron, veuve de Jean-Baptiste Laurent d’Hillerin, par les colonnes infernales. Ainsi que le massacre, le même soir de leurs deux filles, comme en témoigne leur tombe dans le parc.

La tombe de Marie Agathe Bouret de Bueron, assassinée en 1794 par les colonnes infernales. Ses deux filles, massacrées le soir du même jour, sont également inhumées ici. LT/Le Figaro

C’est tout cet héritage que la communauté de communes souhaite valoriser et conserver. «Le patrimoine, ce n’est pas que de la vieille pierre. C’est notre identité», explique Christophe Hogard, le maire divers droite qui mène un travail plus large de conservation dans sa commune des Herbiers. Il a notamment consolidé le Mont des Alouettes, les châteaux d’Ardelay et de l’Etenduère... Mais celui du Boistissandeau, le dernier acquis, représente un défi de taille.

Passé l’investissement matériel, tout un travail de restitution est en cours. «La difficulté est de connaître l’histoire», constate Jacques Dubois. Le responsable des sites patrimoniaux a mis en place un comité scientifique, constitué d’experts locaux et nationaux, pour une restauration la plus fidèle possible. «Au XIXe, on a beaucoup réécrit l’histoire. On a ajouté des choses pour faire genre», explique-t-il, rendant plus difficile le travail d’archives. Une grande cheminée antérieure à l’édification de Boistissandeau a par exemple été ajoutée en 1894. Aussi, au XXe siècle, de nombreuses légendes ont été propagées par les frères de Saint-Gabriel.

La congrégation s’y est installée en 1942, après que la comtesse de la Morinière leur donne le domaine à la condition d’y être hébergée avec sa fille. Les ecclésiastiques ont reconstruit l’aile nord pour en faire un centre de formation. Leur âge progressant, leur noviciat est devenu une maison de retraite. En 2003, le conseil général de la Vendée leur a racheté. Pour perpétuer le contrat moral de mission sociale et éducative, les élus ont transformé l’aile sud en maison d’accueil familial. Une structure, unique en France, qui permet d’accueillir des personnes âgées avec leur enfant handicapé.

«Navire amiral»

Un héritage que l’intercommunalité des Herbiers compte bien préserver. Mais la collectivité ne souhaite pas seulement conserver, elle veut aussi développer. Avant de se lancer, les élus ont établi une feuille de route autour de la transmission. «On aimerait faire un concept d’école buissonnière», énonce l’élu Christophe Hogard. L’idée serait de transmettre aux enfants des connaissances sur la nature, non dispensées à l’école, tel qu’apprendre à lire un cadran solaire. L’autre ambition annoncée tourne autour de l’apprentissage. Le plan serait de transformer l’aile nord, inexploitée aujourd’hui, pour en faire un centre de formation de métiers artisanaux ou sociaux.

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Quant au bâtiment central, il est pour l’instant vide. Dans le cadre des spectacles vivants, les visiteurs traversent uniquement une pièce. À terme, l’intérieur devrait être progressivement aménagé. Mais cela nécessite du temps et de l’argent. Cette année, environ 500.000€ ont été investis pour réaménager principalement l’extérieur. En récupérant la bâtisse, la collectivité s’est assurée de ne pas avoir de grosses dépenses à effectuer au cours des 20 prochaines années.

«Le Boistissandeau va être un navire amiral qui va montrer aux habitants notre histoire. C’est un concentré d’histoire, de douleurs et de gloires. On veut en faire un grand site vendéen», résume Christophe Hogard. Les touristes du Puy du Fou font partie de la clientèle qu’il cherche à attirer. Et si certains acteurs des visites théâtralisées ont leurs habitudes au sein du célèbre parc de Philippe de Villiers, le Boistissandeau ne cherche pas à copier ses voisins mais souhaite être complémentaire. «On veut plutôt s’inspirer du château de Tiffauges, de la Chabotterie, ou d’un site comme Chambord », termine le président de la communauté de communes, désireux de bâtir un site culturel familial.

Au Nord du château, dans le «salon Vert», une monumentale cheminée provenant du château du Cazeau au May-sur-Evre (Maine-et-Loire) a été mise en place en 1894. «Antérieure à la construction du Boistissandeau d’une cinquantaine d’années, la cheminée du Cazeau est remarquable pour son décor historié à personnages finement sculptés en ronde bosse», souligne un document explicatif. LT/Le Figaro