Cette fois, c’est par trois gendarmes en uniforme que la médecin généraliste du petit village de Bully, au sud de Roanne (Loire), a été interrompue en pleine consultation. Surchargée de travail depuis le départ de son unique collègue l’été dernier dont elle a récupéré la patientèle, elle avait décidé de refuser les gardes de soir et week-end depuis le début du mois de janvier. Il ne restait que six professionnels pour boucler les plannings dans ce secteur en manque de praticiens. L’ARS a donc demandé à la préfecture d’émettre une réquisition pour la contraindre à effectuer ses gardes, selon une information du Progrès confirmée au Figaro. C’est ce document que les militaires sont venus remettre à la médecin, pour deux gardes dont une le soir même.
«Les réquisitions de médecins s’inscrivent dans un cadre réglementaire, prévu par le Code de la Santé Publique, afin de garantir aux usagers un accès aux soins en dehors des heures d’ouverture des cabinets et centres de santé», a fait savoir l’ARS de la Loire par communiqué. En théorie, les médecins participent à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) sur la base du volontariat. Mais lorsque les praticiens manquent à l’appel, le conseil de l’ordre peut en appeler à l’ARS. C’est elle qui, en dernier recours, sollicite le préfet pour émettre une réquisition.
La médecin de Bully (450 habitants) a finalement réussi à s’y soustraire. Après avoir récupéré le document des mains des gendarmes, elle a achevé ses consultations avant d’aller elle-même consulter et d’être placée en arrêt maladie jusqu’au 15 février. Si bien qu’aucune consultation n’est plus assurée depuis mercredi, laissant plusieurs centaines de patients sur le carreau. Les trois internes qui aidaient la médecin du centre de santé du Marais ne peuvent officier sans professionnel de tutelle.
Des gardes qui découragent les médecins
Installée en 2017 dans ce secteur en tension, la généraliste envisage désormais d’en partir. «Cette décision n’est pas liée à sa récente réquisition qui a simplement été un élément parmi d’autres dans sa réflexion, indique le directeur de Medeor, l’association qui administre ce centre de santé. La problématique de la permanence des soins dans le secteur de Bully est une difficulté de longue date». Des discussions avaient d’ailleurs été entamées dès l’été avec l’ARS sur les permanences de garde.
Des gardes trop lourdes à assumer. Sur les neuf médecins que comptait le secteur, deux ont déjà jeté l’éponge, précise Le Progrès. Deux autres suivront. Sans compter un éventuel départ de la médecin de Bully, donc. La commune est rattachée au «territoire de santé » de Riorges dans la classification du ministère de la santé. Ce dernier est classé ZAC dans le zonage 2022 des déserts médicaux de l’ARS. Il s’agit du deuxième niveau sur une échelle de trois. Ces zones d’action complémentaire (ZAC) sont «constituées des territoires en tension» nécessitant des investissements pour éviter que la situation ne se détériore. Pas franchement la trajectoire amorcée...
Si on descend au niveau du territoire communal, l’UFC-Que Choisir classe Bully dans les déserts médicaux français. Les discussions entre l’ordre, les médecins et l’ARS vont se poursuivre, mais les chances d’embellies sur le planning des gardes semblent minces. Dans le secteur voisin de Noirétable, le système de gardes a dû être suspendu.