L’assassin de Samuel Paty était en contact avec le groupe islamiste HTS qui a renversé Bachar el-Assad

Mohammed al-Joulani le martèle depuis des années : le djihad global ne l’intéresse plus. Lui l’ancien fondateur du Front al-Nosra, affilié à al-Qaida, ex-compagnon de route d’al-Baghdadi, chef sanguinaire de l’État islamique, aurait détourné les yeux du terrorisme pour se concentrer sur le nationalisme syrien. Avec son groupe de rebelles islamistes Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fondé en 2017, il a renversé le régime de Bachar el-Assad dimanche, après une offensive éclair. Et joue depuis la carte de la modération. Finis les projets d’attentat contre l’Occident, toute son attention s’est concentrée ces dernières années sur la chute du régime baasiste, clame-t-il. 

Pourtant, un article du Parisien  daté d’octobre 2020 établit des liens entre l’organisation islamiste et l’assassin de Samuel Paty. Quelques minutes après avoir décapité l’enseignant à la sortie du collège de Conflans-Sainte-Honorine, le terroriste tchétchène Abdoullakh Anzorov envoie une photo de la tête tranchée à un certain «Dnevnik_71» sur Instagram, accompagné d’un message audio : «J’ai décapité le prof, là je vais faire le djihad en France». Son interlocuteur lui répond : «Allah Akbar ! Que la paix, la miséricorde et la bénédiction d’Allah soit sur toi». Il sera identifié plus tard comme un membre actif de Hayat Tahrir al-Sham et localisé en Syrie, selon les informations de nos confrères du Parisien

Deux contacts et une admiration pour HTS

Toujours selon nos confrères, l’homme est un dénommé Faruq Shami, originaire du Tadjikistan, qui se faisait passer pour un reporter indépendant couvrant l’activité des groupes djihadistes en Syrie. En réalité, d’après le procès-verbal des policiers de la sous-direction antiterroriste, il tenait un «rôle dans le djihad médiatique et dans la propagande de Hayat Tahrir al-Sham». L’étude de ses comptes «professionnels» a démontré qu’il conversait régulièrement avec de jeunes radicalisés en France. Selon le FBI, qui a partagé des informations avec la police française à l’occasion de l’enquête, les dernières connexions IP de son compte Instagram ont toutes borné à Idlib, bastion de HTS depuis 2017. C’est dans cette région que le groupe islamiste a assis son autorité, et commencé son opération réhabilitation.  

L’enquête a également révélé, toujours selon Le Parisien, qu’Abdoullakh Anzorov était en lien avec un autre djihadiste syrien, utilisant le pseudonyme «12.7X108» sur Instagram, en référence à une mitrailleuse lourde soviétique. Lui aussi aurait évolué au sein de HTS en tant que «sniper». En réalité, l’assassin de Samuel Paty semblait avoir une vraie fascination pour Hayat Tahrir al-Sham. Le 4 octobre 2020, soit 12 jours avant l’attentat, il avait publié sur Snapchat une véritable ode à HTS : «Il n’y a pas de doutes que ce qui se passe à Idlib est le vrai djihad où Allah choisit parmi ses serviteurs les shuhada (les martyrs, NDLR), et le meilleur groupe actuel à rejoindre, c’est Hayat Tahrir al-Cham»

Interrogé par le spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr sur ces contacts avec l’assassin de Samuel Paty, HTS avait nié, sans toutefois condamner : «Nous vivons dans un monde ouvert, tout le monde peut contacter tout le monde, nous ne connaissons pas l’étudiant tchétchène et son acte est de la responsabilité du président français qui a provoqué et accusé l’islam dans une majorité de ses discours. L’étudiant vivait en France et ses interactions sont plus importantes avec son environnement direct. Ce qu’il a fait est le résultat de ce qui se passe en France et non à Idlib»