Loi narcotrafic : qu’est-ce que le statut de «repenti», dont la refonte a été entérinée par le Sénat ?

Un «sursaut national» doit survenir face au narcotrafic. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, et Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, ont martelé leur détermination mardi, à l’ouverture des débats au Sénat, de voter la proposition de loi transpartisane pour y faire face. Parmi la batterie de mesure, la refonte du statut des «repentis» qui aident la justice à démanteler des réseaux, pouvant aller jusqu’à des «immunités de poursuites», a été entériné dans le nuit de mardi à mercredi.

Un vieux serpent de mer. Le statut de «repenti», inspiré par celui des États-Unis ou de l’Italie, a été créé en 2004 par la loi Perben II sous le nom de «collaborateur de justice». Toutefois, le décret d’application n’a été promulgué qu’en 2014. Il offre à un membre du crime organisé une nouvelle identité, une protection policière, une aide financière et des réductions de peines en échange d’informations. Éric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, en avait déjà annoncé en avril 2023 la réforme pour en «améliorer l’efficacité», regrettant qu’il soit «peu utilisé».

«On a une loi sur les repentis qui date de 2004 […] qui ne marche pas du tout. Le décret d’application a été pris en 2014 […] On a tergiversé et ça a été utilisé 20 fois», avait indiqué l’ancien garde des Sceaux sur BFMTV en avril 2024. Cette procédure, très lourde, excluait les coupables de crimes de sang et ne permettait pas d’obtenir un nouvel état civil, seulement un nom d’emprunt. En 2024, Éric Dupont-Moretti proposait d’en faciliter l’attribution en échange de «déclarations sincères, complètes et déterminantes pour démanteler des réseaux criminels». Ce statut ne devait pas «coûter un centime au contribuable» et devait être intégralement financé par la confiscation des avoirs criminels. «Comme en Italie, des personnes impliquées dans des délits ou des crimes pourront intégrer ce statut, à condition d’avoir collaboré avec la justice en ayant fait des déclarations sincères, complètes et déterminantes pour démanteler des réseaux criminels», expliquait-il dans la Tribune Dimanche .

Collaboration des chefs de réseaux

La dissolution, puis les changements de ministre n’ont permis l’adoption d’une réforme. Celle-ci est donc remise au goût du jour par la proposition de loi présentée depuis mardi par les sénateurs. Ils proposent d’étendre ce statut aux coupables de crimes de sang. En sus, diverses mesures doivent la rendre attractive : «meilleure garantie de la réduction de peine proposée par le parquet, qui ne pourrait être remise en cause par la juridiction de jugement qu’avec une décision spécialement motivée ; en contrepartie, conclusion d’une convention entre le ministère public et le repenti permettant la révocation de la protection accordée en cas de violation des obligations imposées à celui-ci», détaille la proposition de loi. Le procureur du parquet national antistupéfiant aurait la compétence exclusive pour ces «repentis».

Afin de réinsérer ces «repentis», la loi Perben II instaurait une Commission nationale de protection et de réinsertion, dirigée par le magistrat Marc Sommerer. Auditionné par la commission d’enquête sénatoriale, celui-ci relevait, en février dernier, les embûches du système dans le cas du trafic de drogue. Ainsi pour bénéficier d’une exemption de peine, plusieurs conditions doivent être cumulées : «Il faut que l’infraction n’ait pas été réalisée, que cette non-réalisation soit le fait du signalement à la justice, et que ce signalement permette d’en identifier les auteurs ou les complices». Les informations du «collaborateur de justice» doivent également permettre d’arrêter ou d’empêcher la commission d’une infraction.

Pour l’heure, le meurtre et le meurtre en bande organisé «ne sont concernés ni par l’exemption ni par la réduction de peine. Pourtant, ces infractions sont très courantes dans le cadre des règlements de compte pour trafic de stupéfiants», avait regretté Marc Sommerer. Une restriction qui ne permettait pas une grande collaboration des chefs de réseaux, qui vivent souvent à l’étranger. Jusqu’à présent, la loi ramenait à vingt ans de réclusion les coupables de tentative d’assassinat. Un rabais qui n’a pas permis d’enrayer la progression du trafic de drogue en France.