Muscles, vue, reins... Quel est l'impact d'un voyage spatial sur le corps humain ?
Alors que les astronautes américains Butch Wilmore et Suni Williams s'acheminent mardi 17 mars vers la Terre après avoir été bloqués neuf mois à bord de la Station spatiale internationale (ISS), on fait le point sur les risques pour la santé endurés par les astronautes en mission spatiale. Certains de ces risques sont bien documentés et gérés, mais d'autres restent mystérieux.
Les missions prolongées dans l'espace ne sont pas sans dangers pour le corps humain. L'ostéoporose, la perte musculaire, l'exposition aux radiations et la déficience visuelle ne sont que quelques uns des risques auxquels les astronautes font face lors de missions prolongées dans l'espace, sans oublier les effets psychologiques liés à l'isolement.
Ces dangers vont s'accroître à mesure que l'homme pénétrera plus profondément dans le système solaire, éventuellement jusqu'à Mars.
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Maintenir muscles et os, garder l’équilibre
Malgré l'attention internationale que leur mission a reçue, le séjour de neuf mois de Butch Wilmore et Suni Williams est "standard", déclare Rihana Bokhari, professeure adjointe au Centre de médecine spatiale du Baylor College.
Les missions de l'ISS durent généralement six mois, mais certains astronautes restent jusqu'à un an, et la Nasa estime avoir au fil des décennies mis en place des pratiques efficaces pour préserver la santé des astronautes.
En l'absence de gravité, pour maintenir muscles et os, les astronautes utilisent trois machines d'exercice sur l'ISS, y compris un appareil de résistance qui simule les poids à l'aide de tubes à vide et de câbles. Un entraînement quotidien de deux heures permet de les maintenir en forme.
"La meilleure preuve de l'efficacité est que nous n'avons pas vraiment de problème de fracture chez les astronautes lorsqu'ils reviennent au sol", bien que la perte osseuse soit toujours détectable lors des scanners, dit Bokhari à l'Agence France Presse (AFP).
Les pertes d'équilibre sont un autre problème, ajoute Emmanuel Urquieta, professeur en médecine aérospatiale à l'université de Central Florida.
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"Cela arrive à chaque astronaute, même à ceux qui vont dans l'espace juste pour quelques jours", dit-il à l'AFP, et ils doivent rétablir toutes les fonctions de leur oreille interne. A leur retour sur Terre, les astronautes suivent un réentraînement de leur corps pendant 45 jours.
Un autre défi est le "déplacement de fluides", c’est-à-dire la redistribution des fluides corporels vers la tête dans un milieu de microgravité.
Cela peut augmenter les niveaux de calcium dans les urines, et accroître le risque de calculs rénaux. Les déplacements de fluides peuvent également augmenter la pression intracrânienne, modifier la forme du globe oculaire et provoquer le syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux (SANS), qui entraîne une déficience visuelle légère à modérée.
Mais une autre hypothèse est que les niveaux de dioxyde de carbone élevés en sont la cause. Toutefois, dans au moins un cas, les effets ont été bénéfiques.
"J'ai eu un cas assez sévère de SANS", a rapporté l'astronaute américaine Jessica Meir avant le dernier lancement. "Quand j'ai décollé, je portais des lunettes et des lentilles de contact, mais en raison de l'aplatissement du globe, j'ai maintenant une vue” supérieure à la moyenne. "Merci aux contribuables !"
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Limiter l’augmentation du risque de cancer
Les niveaux de radiation à bord de l'ISS sont plus élevés qu'au sol, mais le champ magnétique de la Terre offre toujours une protection importante.
Le blindage est crucial, et la Nasa vise à limiter l'augmentation du risque de cancer des astronautes à moins de 3%. Mais les missions vers la Lune et Mars les exposeront à plus de radiations et donc de risque, explique l'astrophysicien Siegfried Eggl, de l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign.
Les futures sondes spatiales pourraient avertir à l'avance de la survenue d'événements à haute radiation, tels que les éjections de masse coronale -- nuages de plasma du Soleil -- mais la radiation cosmique reste imprévisible.
"Le blindage est mieux fait avec des matériaux lourds comme le plomb ou l'eau, mais il en faut de grandes quantités", explique Siegfried Eggl.
La gravité artificielle, créée par la rotation des structures de vaisseaux spatiaux, pourrait aider les astronautes à rester fonctionnels à l'arrivée après un voyage de neuf mois vers Mars.
Autre option : un vaisseau spatial pourrait utiliser une accélération et une décélération puissantes correspondant à la force de gravité de la Terre.
Cette approche serait plus rapide, réduirait les risques d'exposition aux radiations, mais nécessite des technologies de propulsion nucléaire qui n'existent pas encore.
Enfin, la prévention des conflits internes au sein des équipes sera critique, pointe Joseph Keebler, psychologue à l'Université aéronautique Embry-Riddle : "Imaginez être coincé dans un van avec n'importe qui pendant trois ans : ces vaisseaux ne sont pas si grands, il n'y a pas de vie privée".
"J'ai beaucoup de respect pour les astronautes. C'est un travail inimaginable".
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Avec AFP