Grève du 18 septembre : les forces de l’ordre redoutent de graves bouffées de violences

Tout faire pour éviter la crise sociale ne vire au chaos. À la veille de la journée nationale d’actions de ce jeudi qui fera figure de test pour les syndicats, les forces de l’ordre s’attendent à des possibles vagues de violences orchestrées par l’ultra gauche. Une nouvelle fois sur le qui-vive, policiers et gendarmes n’ont qu’un seul objectif : contenir coûte que coûte les casseurs, comme ils avaient réussi à le faire face à fronde lancée il y a une semaine par le mouvement « Bloquons tout ». Mais l’horizon paraît déjà agité. Selon nos informations, jusqu’à 900.000 manifestants sont attendus dans la rue par les services de renseignement, soit quatre fois plus de participants que le 10 septembre dernier.

« La mobilisation sera très importante », prévient un préfet. Si les prévisions se confirment, ce serait du jamais vu depuis 2023, lorsque les manifestations contre la réforme des retraites avaient rassemblé, selon les jours, entre 280.000 et 1,28 million de personnes. À Paris, où une « mosaïque d’initiatives » est annoncée et où 60.000 personnes pourraient battre le pavé, la préfecture de police redoute des incidents lors de la manifestation qui reliera les places de la Bastille à la Nation, en passant par la République. Plusieurs centaines d’éléments radicaux pourraient constituer, en précortège, un black bloc susceptible de regrouper un millier de casseurs.

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Du jamais vu, là encore, depuis la manifestation du 1er mai 2018 qui s’était soldée par le pillage et l’incendie du MacDonald dans le quartier d’Austerlitz. Au total, près de 250 défilés et rassemblements sont prévus à travers tout le pays. « Il y aura un défilé dans chaque chef-lieu de département ainsi que dans quasiment toutes les sous-préfectures du pays », annonce-t-on au sein des services où l’on s’attend à vivre une « journée très longue, qui va jouer en deux temps ». Les services attendent de 5 à 8000 «individus à risque» sur l’ensemble du territoire. Ce qui comprend un noyau dur de «violents» déterminés mais aussi des opportunistes qui viendront gonfler leurs rangs, notamment si les forces de l’ordre sont dispersées.

L’ultra gauche à la manœuvre

Comme mercredi dernier, policiers et gendarmes font devoir faire face, dès les premières heures du jour, à des actions coups de poing sur toute la France. Les «bloqueurs» vont à nouveau tenter de paralyser ronds-points, les axes routiers mais aussi des sites stratégiques tels que les dépôts pétroliers. En seconde partie de journée, de « gros cortèges » sont prévus, comme à Lyon où plus de 20.000 personnes sont attendues. « Si des centaines d’activistes et les black blocs se greffent aux défilés, cela pourrait faire des dégâts », grince un commissaire spécialisé dans le maintien l’ordre. Le soir, les plus « énervés » pourraient aussi former des « comités de soutien » et se donner rendez-vous devant les commissariats pour faire libérer leurs « camarades » comme ils ont déjà tenté de le faire après les manifestations « Bloquons tout ».

Dans un télégramme adressé mardi aux préfets, Bruno Retailleau prévient déjà : « les risques de troubles à l’ordre public sont importants en raison de la présence de groupuscules d’ultra gauche qui essaieront d’infiltrer les cortèges officiels ». « Les anarchos autonomes et les franges les plus radicales sont en embuscade car ils ont été galvanisés par la chute de François Bayrou et veulent de nouveaux scalps », complète un policier spécialisé.

Soucieux d’afficher la plus extrême fermeté, celle qui a porté ses fruits face au mouvement « Bloquons tout », le ministre de l’Intérieur reprend mot pour mot les consignes adressées le 4 septembre à toutes les forces de sécurité : « Aucune dégradation de bâtiments publics ou emblématiques ne saurait être tolérée » et que « toute tentative de blocage des infrastructures essentielles à la vie de la Nation devra être entravée en amont et faire systématiquement l’objet d’un déblocage dans les délais les plus brefs ». En clair, les fauteurs de troubles devraient être délogés avant que la situation ne s’enkyste, comme lors du mouvement des « gilets jaunes».

Les forces de l’ordre sur tous les fronts

Une fois encore, les forces de l’ordre vont agir sur tous les fronts et, dès la nuit de mercredi à jeudi, elles sont invitées à la « vigilance sur tous les sites sensibles » car le premier flic de France anticipe aussi le spectre des « sabotages » et des « dégradations ». Face à la déferlante, Bruno Retailleau entend, une fois encore, mettre ses troupes sous tension et déployer le maximum de moyens, sachant que 80.000 policiers et gendarmes avaient été mobilisés mercredi dernier. Soit 15.000 de mieux que lors de la dernière Fête de la musique et autant que le pic d’engagement policier que la France avait connu lors de l’acte 3 des « gilets jaunes », après le siège de l’Arc de triomphe en décembre 2018. 24 véhicules blindés Centaures et 10 engins lanceurs d’eau seront par ailleurs déployés.

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L’équation de l’ordre public sera d’autant plus épineuse que les étudiants et les lycéens devraient se joindre au mouvement puisque au moins un tiers des professeurs seront en grève et leurs établissements fermeront. Les berceaux de la gauche radicale, comme Rennes, Nantes, Toulouse ou encore Dijon font d’ores et déjà l’objet d’une attention particulière. Ordre a été donné d’interpeller au moindre débordement au nom de la « tolérance zéro ». « Les syndicats ne veulent pas louper la caravane de «Bloquons tout» comme ils ont loupé celles des gilets jaunes, assure un haut fonctionnaire qui suit la situation de très près. Tous misent sur la dynamique de la rue et une convergence des luttes avec les « bloqueurs » pour frapper un grand coup contre le plan d’austérité que concocte l’exécutif ».

Mercredi dernier, le ministère de l’Intérieur a recensé 540 interpellations en France, dont 211 à Paris, et 415 gardes à vue, dont 110 à Paris. Mais les ultras de « Bloquons tout », aiguillonnés par l’extrême gauche, refusent de rendre les armes. Vendredi dernier, vingt-deux personnes ont été interpellées par la police qui dispersait une tentative de blocage d’un campus universitaire à Bron, dans la banlieue de Lyon. Dans les « AG », des irréductibles rivalisaient d’idées, il y a quelques jours encore, pour actionner les alarmes dans le métro, bloquer le périphérique aux heures de pointe, mobiliser dans les bars et « déborder les syndicats ». Le risque est d’autant plus de sérieux que la nomination de Sébastien Lecornu, loin de désamorcer la colère, agit à la manière d’un chiffon rouge dans l’esprit de Français à bout de nerfs.