Qui est Fred Trump, ce père redoutable qui a façonné Donald Trump ?

«Mon grand-père gérait sa famille comme une lutte où il ne pouvait y avoir qu'un seul gagnant et où tous les autres étaient des perdants, raconte Mary, la nièce de Donald Trump, comme on peut l’entendre dans un épisode de notre podcast Scandales , consacré à la jeunesse de l’ancien président américain. Il se trouve que le jeune Donald était déterminé à gagner. Il l'a fait, du moins aux yeux de mon grand-père, et a gagné le droit de reprendre l'affaire familiale.» Un souvenir qui résume, à lui seul, l'influence de Fred Trump sur le destin de son fils. Père intransigeant et businessman redoutable, le promoteur immobilier a façonné l'ancien président des États-Unis. Élevé comme un «gagnant», ce dernier bannira à tout jamais le mot «défaite» de son vocabulaire.

Un «système très patriarcal»

Né en 1946, Donald Trump est le quatrième des cinq enfants de Mary Anne MacLeod, jadis nurse écossaise dans une riche famille new-yorkaise, et Frederick Trump, un homme d'affaires issu d'une famille allemande aisée, installée dans le Queens depuis le début du XXe siècle. Le patriarche dirige d’une main de fer la société familiale, Elisabeth Trump and Son, créée par sa mère. Marié depuis 1936, Fred Trump bâtit des maisons pour la classe moyenne dans le Queens, à Brooklyn et dans les arrondissements périphériques de New York. Une entreprise des plus lucratives, dont les bénéfices vont en partie dans la poche de son fils Donald. Au point qu’à l'âge de 8 ans, le petit garçon est déjà millionnaire.

À la maison, personne n’ose défier l’homme d’affaires. L'aura de Fred Trump est telle qu'il effraie ses enfants. Le businessman ne s'adresse, par ailleurs, qu'à ses fils. «Donald a grandi dans un environnement vraiment horrible, analyse David Cay-Johnston, longtemps journaliste d’investigation au New York Times. Son père, Fred, était un homme incroyablement froid et méchant, très travailleur, contrairement à Donald qui est paresseux. Il réprimandait constamment ses enfants. “Pourquoi n'avez-vous pas fait de bénéfice sur ça ? Pourquoi n'avez-vous pas récupéré l'argent de ceci ou de cela ?“» 

Le fait d'être une fille dans cette famille était automatiquement un frein

Mary Trump

«Au fond, mon grand-père, c'était la seule personne de la famille qu'on écoutait, relate Mary Trump à la télé australienne. Il avait tout le pouvoir. J'ai grandi dans un système très patriarcal. Il y avait beaucoup de misogynie, et le fait d'être une fille dans cette famille était automatiquement un frein.» Avant d'ajouter : «Mon grand-père était le genre d'homme qui aimait ce côté dynastique, d'une certaine manière. Je veux dire qu'il ne l'aurait pas exprimé en ces termes, mais il avait son empire immobilier, son fils aîné et homonyme, mon père (Fred Trump Jr, le grand frère de Donald, NDLR), qui allait être son successeur, et son empire allait durer pour l'éternité.» Un grand-père que Mary Trump décrit comme «manipulateur», humiliant volontiers les plus faibles.

Riche, célèbre et puissant

Il y a cette anecdote que raconte David Cay-Johnston dans l’épisode de Scandales. «Quand il était enfant, Johnny Messer, un voisin des Trump passe un jour à vélo devant leur maison. Une pièce de 25 cents tombe de sa poche. Au même moment, Fred Trump rentre chez lui au volant de sa Cadillac. Il s'arrête dans l'allée, Johnny retourne chercher sa pièce, Fred se précipite sur le trottoir, prends la pièce, la met devant le gamin et lui dit : “C'est à moi maintenant”. Quel être humain fait ce genre de choses à un enfant de six ou huit ans ? Et bien, Fred Trump.»

Le comportement de Fred Trump n'est pas sans répercussions sur ses propres enfants. En particulier sur Donald Trump, qui aurait lui-même «développé une indifférence hostile et un manque de respect agressif», selon sa nièce, face à l'adversité. Le jeune garçon, jugé trop turbulent, sera envoyé par son père à l'école militaire, à l'âge de 13 ans. «Je pense que ce moment, où il a été rejeté par son père, puis placé dans cet environnement très discipliné et très hiérarchisé, ça lui a appris que la vie était dure, que c'est toujours un combat, et qu'on est censé gagner dans tous les domaines», estime le journaliste Michael d'Antonio, auteur de The Truth About Donald Trump, sur la chaîne PBS. À l’Académie, Donald Trump devient ce que l'on attend de lui : une machine de guerre.

Dans son livre The Art of The Deal, le chef d’État écrit cependant qu'il n'a jamais été intimidé par son père. «Je lui tenais tête, et il respectait ça», assure-t-il. Selon la biographie Gwenda Blair, auteure de The Trumps en 2000, père et fils n'étaient pas proches. Elle ajoute que tous deux se parlaient, mais ne s'écoutaient pas. À l'époque, ils sont même plutôt en compétition. Ce qui ne les empêche pas d’oeuvrer main dans la main. Inscrit à l'université de Fordham, à New York, puis à l'université de Pennsylvanie, à Philadelphie, l'étudiant le retrouve tous les vendredis dans le Queens. «Dès le début, la priorité de Donald était de prendre le contrôle de l'entreprise familiale, de la développer et de devenir riche, célèbre et puissant, analyse Michael d'Antonio sur PBS. Un objectif qu'il a finalement atteint.»

En 1968, Fred Trump aurait même intercédé en faveur de son fils pour qu'il échappe à la guerre du Vietnam. L'homme d'affaires aurait ainsi fait appel à un podologue de sa connaissance, qui aurait diagnostiqué à Donald une excroissance osseuse anormale au niveau du talon. En échange, Fred Trump aurait offert au spécialiste des travaux dans son bâtiment. En 1971, Donald Trump prend les rênes de l'entreprise familiale et la renomme telle qu'on la connaît aujourd'hui : la Trump Organization. À la mort de son père, en 1999, il aurait reçu un héritage colossal. En 2018, une enquête du New York Times démontre qu'il aurait empoché 413 millions de dollars (383 millions d’euros). À l'époque, Donald Trump s'est déjà séparé de l'autre figure paternelle qui a marqué sa vie : un certain Roy Cohn, son ancien avocat et mentor, (presque) aussi redoutable que Fred Trump.