Guerre en Ukraine : les États-Unis suspendent un programme d’étude sur les enfants déportés en Russie
Le gel de l’aide internationale américaine, décrété par Donald Trump dès son retour à la Maison Blanche, en janvier, pourrait avoir de lourdes conséquences sur la recherche concernant des crimes de guerre russes en Ukraine, a révélé le Washington Post mardi 18 mars, quelques instants après l’entretien téléphonique entre l’hôte de la Maison Blanche et son homologue russe Vladimir Poutine.
Selon le quotidien, le département d’État a mis fin au financement des travaux du Yale School of Public Health Humanitarian Research Lab. Dans le cadre de son Observatoire des conflits, le Yale HRL étudie depuis 2022 la déportation, la rééducation, l’adoption forcée et le placement en famille d’accueil d’enfants ukrainiens par la Russie depuis le début de la guerre qui oppose les deux pays. L’entité était l’un des nombreux bénéficiaires d’un financement de 26 millions de dollars sur trois ans pour traquer les crimes de guerre commis par les forces russes en Ukraine.
Possible «suppression d’une base de données»
Le 20 janvier, Donald Trump a effectivement suspendu pour une durée de «90 jours» «l’aide étrangère au développement des États-Unis pour évaluer l’efficacité des programmes et leur cohérence avec la politique étrangère des États-Unis» - 72 milliards de dollars en 2023. La décision du républicain touche ainsi des programmes de développement et de soutien humanitaire, de l’aide aux réfugiés à la vaccination en passant par la lutte contre la pauvreté. En Ukraine (17 milliards de dons en 2023), de nombreux projets - aides aux écoles, hôpitaux, reconstruction… - sont depuis à l’arrêt, avait immédiatement déploré Volodymyr Zelensky.
En sus, rapporte de son côté le New York Times, «des responsables ou sous-traitants américains pourraient avoir supprimé une base de données contenant des informations sur [les enfants]», selon une lettre que des élus démocrates prévoient d’envoyer au secrétaire d’État Marco Rubio ce mercredi. Dans la missive, les parlementaires, emmenés par le représentant de l’Ohio Greg Landsman, demanderont à l’administration de Donald Trump de rétablir ce programme.
«Le gel de l’aide a mis en péril, et pourrait finalement éliminer, notre soutien informationnel à l’Ukraine sur ce front», écrivent-ils, rapporte Reuters. Le Département d’État et le centre de Yale «conservaient des preuves concernant des enfants enlevés en Ukraine qu’ils avaient identifiés, afin de les partager avec Europol (l’agence européenne, NDLR) de police criminelle et le gouvernement ukrainien pour garantir leur retour, indiquent-ils, selon le New York Times qui a consulté la lettre. Nous avons des raisons de croire que les données ont été définitivement supprimées (...) Si cela s’avérait vrai, les conséquences seraient désastreuses. Pourriez-vous nous tenir au courant de l’état des données ?»
Enfin, selon la lettre, les chercheurs n’ont également plus accès aux images satellites pour suivre les mouvements des enfants. «Notre gouvernement fournit un service essentiel dans la poursuite du noble objectif de sauver ces enfants. Nous devons immédiatement reprendre le travail pour aider l’Ukraine à ramener ces enfants chez eux», exhortent les législateurs.
Crime de guerre
En décembre dernier, le troisième rapport du Yale HLR détaillait les rouages législatifs et logistiques du programme «systématique et intentionnel» d’adoption forcée et de placement en foyers d’enfants ukrainiens mené par Moscou dans l’objectif de les «russifier».
Les responsables ukrainiens affirment que la Russie a enlevé environ 20.000 enfants en Ukraine. Des chercheurs de Yale ont indiqué dans des rapports précédents avoir localisé 30.000 enfants hors de leur pays d’origine. Dans la base de données en question, des informations étaient compilées sur 8500 enfants emmenés en Russie et en Biélorussie. De même, ladite base de données contenait des informations détaillées de plusieurs dizaines de pages sur 314 enfants âgés de 2 à 17 ans.
En avril 2023, la Cour pénale internationale a lancé un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine et sa commissaire «aux droits des enfants» Maria Lvova-Belova, pour le crime de guerre de «déportation illégale» d’enfants. Selon les chercheurs de Yale, le traitement infligé à ces jeunes ukrainiens pourrait constituer un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, et pourrait même justifier une affaire de génocide en vertu du Statut de Rome de la CPI.