Des fillettes disparaissent. Cécile et Elena sont les dernières en date. Leurs visages innocents surgissent sur les affiches, sur les écrans de télévision. Le pays est plat, le ciel plombé. Une boule de dégoût saute à la gorge. Fabrice du Welz s’empare de l’affaire Dutroux, en tire un film poisseux, tourmenté, dérangeant. En 1995, un gendarme tout frais émoulu s’accroche à l’enquête. Son métier le dévore. Il tombera de haut. La révolte et l’incrédulité se lisent dans son regard.
Anthony Bajon, moustachu, plonge dans une noirceur qui ne prend presque pas la peine de se cacher. Bientôt, son sourire d’ange joufflu se changera en un rictus de rage contenue. Les autres ne voient donc rien ? Il y a un suspect. C’est lui, Paul est sûr que c’est lui. Cet hypermnésique - il retient dans la seconde la moindre plaque d’immatriculation - n’en revient pas. On ne peut pas dire que sa hiérarchie lui facilite la tâche. Qu’est-ce qu’il va envoyer imaginer, le nouveau ? Les divers services de police se tirent dans les pattes. Certains ne veulent pas de vagues. Les médias brouillent les pistes.
L’histoire d’une chute
Paul, qui n’a pas vraiment de famille, épouse une Sicilienne. La scène du mariage louche du côté de Voyage au bout de l’enfer. La Wallonie sera son Vietnam intime. Ses illusions s’effritent une à une. Son collègue essaie de le calmer. De gros intérêts sont en jeu. Lui est persuadé qu’un réseau de pédophiles est à la manœuvre. Le Dossier Maldoror est un chant d’horreur, l’histoire d’une chute. Un homme s’effondre au ralenti. Il perd tout. Pourtant, quand il a visité la maison du suspect, il a entendu du bruit à la cave. Et lui, personne ne l’écoute. Aucun suivi. Son supérieur - Laurent Lucas, borgne et balafré - lui retire le dossier. Ça n’est pas possible. Quel temps perdu !
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Le réalisateur décrit un gâchis, montre une obsession, agissant avec la minutie de David Fincher dans Zodiac. Sergi Lopez a le rôle du monstre. C’est un personnage de la nuit. Barbu, ombrageux, en tricot de peau, il glace les sangs. Le Mal est là, tapi derrière ces murs de brique, enfoui dans ce pavillon rempli de cassettes VHS au contenu innommable. Son odeur monte aux narines, dans des paysages de terrains vagues, de chemins gadouilleux, d’usines abandonnées.
Voilà comment un idéaliste patauge dans la boue, dans tous les sens du terme. Malgré une mère alcoolique (Béatrice Dalle, sans bavures), il voulait rester honnête et droit, sauver ces gamines. Cela détonne. Il se sent sali, humilié. Ces choses-là se passent aux environs de Charleroi, c’est-à-dire partout. Une adolescente rentre de l’école, une camionnette s’arrête dans une ruelle un peu vide et la tragédie commence. On sort de là vaincu, lessivé. Une seule bévue : le générique de fin est en écriture inclusive. Tous.tes aux abris.
L’avis du Figaro : 3 étoiles sur 4.