"Sinners" : au son du blues, le réalisateur de "Black Panther" revisite le combat pour la liberté des Afro-Américains

1932. Une journée dans le Mississippi, dans le sud des États-Unis. Deux frères jumeaux afro-américains, Smoke et Stack qui ont notamment traîné avec Al Capone, décident de revenir chez eux pour ouvrir un club de jazz. En une journée, l'opération est bouclée, mais ils n'imaginent pas que la nuit endiablée promise à leurs clients pour l'ouverture deviendra littéralement effroyable. Bienvenue dans Sinners (Pécheurs), le dernier film de Ryan Coogler (Black Panther, Creed), en salles mercredi 16 avril en France. Les deux frères sont incarnés par Michael B. Jordan, acteur fétiche de Ryan Coogler avec lequel il signe sa quatrième collaboration.

Le début de Sinners relève de la logistique. L'intrigue s'installe peu à peu au même rythme que les préparatifs des jumeaux pour lancer leur nouvelle affaire. La bande-son trop présente et une mise en place qui s'étire en longueur sont susceptibles de faire décrocher. Mais le meilleur est à venir, dans ce huis clos que constitue la grande soirée d'ouverture. Sa vedette n'est autre que Sammie (Miles Caton que l'on découvre pour la première fois sur grand écran), le cousin du duo Smoke/Stack qui joue divinement du blues avec sa guitare offerte par les jumeaux. Il fait partie de ces musiciens si doués qu'ils sont capables d'attirer les morts et tous types de créatures surnaturelles. "À force de danser avec le diable, un beau jour, il viendra te chercher chez toi", avait prévenu le père de Samuel alors qu'il s'en allait avec sa guitare.

Sinners est un long flash-back dans lequel Ryan Coogler affirme que le blues est l'âme de l'Amérique noire, l'expression musicale d'une liberté arrachée à chaque instant. Dans une scène épique, dense et foisonnante où s'entrecroisent masques traditionnels et rappeurs, le cinéaste américain convoque ses racines africaines et ses nombreuses évolutions tout en montrant comment elle fait danser le monde entier. Le blues est le puissant cri de résistance des Afro-Américains qui vaut aussi bien dans l'Amérique ségrégationniste des années 1930, où sévit le Ku Klux Klan, que dans celle d'aujourd'hui.

Coogler traite de cette thématique avec une ingéniosité formelle en utilisant le film d'horreur autant que la comédie musicale pour rendre hommage au blues. Son propos pourrait ainsi se résumer : ne sachant plus à quel saint se vouer pour en finir avec la déshumanisation dont ils font constamment l'objet, les Afro-Américains devraient-ils essayer quelque chose de moins orthodoxe ? C'est à ce choix kafkaïen que Ryan Coogler soumet les protagonistes de son film face à un monstrueux vampire, incarné par Jack O'Connell, charmant et diablement convaincant.

Comme une mise en abyme, le réalisateur américain rappelle que l'art constitue l'essence de notre humanité, le mode d'expression singulier d'un être humain au moment où l'intelligence artificielle menace les artistes et la création. La symbolique peut sembler alambiquée, mais elle est tout à fait de circonstance.

La prouesse de Coogler est aussi technique, car le film a été tourné dans tous les formats disponibles aujourd'hui dans les cinémas. Le cinéaste explique sa démarche dans une publication sur les réseaux sociaux. Les cinéphiles apprécieront tout comme ils se délecteront d'un film subtil signé par un auteur habité.

Affiche du film "Sinners" de Ryan Coogler. (WARNER BROS)
Affiche du film "Sinners" de Ryan Coogler. (WARNER BROS)

La fiche

Genre : Drame, Horreur 
Cinéaste : Ryan Coogler
Distribution : Michael B. Jordan, Hailee Steinfeld, Miles Caton, Jack O'Connell, Wunmi Mosaku, Jayme Lawson, Omar Benson Miller, Delroy Lindo
Pays : États-Unis
Durée : 
2h17
Sortie : 
16 avril 2025
Distributeur : 
Warner Bros
Synopsis : Alors qu'ils cherchent à s'affranchir d'un lourd passé, deux frères jumeaux (Michael B. Jordan) reviennent dans leur ville natale pour repartir à zéro. Mais ils comprennent qu'une puissance maléfique bien plus redoutable guette leur retour avec impatience...