REPORTAGE. "On va privilégier les micro-interventions" : près de Marseille, les élus contraints de limiter les chantiers de voiries par manque de moyens
Le Premier ministre François Bayrou donne le top départ lundi 5 mai, à Marseille, d'une conférence nationale pour réfléchir au financement des mobilités, dans un contexte d'inquiétude des maires sur l'état de leurs routes. Plus de 700 000 kilomètres de routes sont à la charge des communes et le coût de leur entretien ne fait qu'augmenter, notamment à cause du dérèglement climatique. L'association des maires de France a récemment alerté sur le sujet, rappelant que 90% des déplacements des Français se font toujours en voiture. Mais les élus sont contraints de limiter les chantiers sur leurs voies, par manque de moyens.
À Vitrolles, près de Marseille, dans les allées d'un lotissement, la factrice termine sa tournée sur son scooter et tous les jours, elle affirme subir le délabrement des routes "catastrophiques". "Elles sont cassées, il y a des nids-de-poule, c'est infernal, peste la factrice. Il suffit qu'on prenne une bosse ou quelque chose qui a été mal réparé et on chavire".
Bricoler plutôt que réparer
Dans les rues de Vitrolles, le bitume gondole et craque par endroits, "on a pris l'habitude, malheureusement", concède Abdillah Mchangama, moniteur d'auto-école, avant de reconnaître que "C'est un peu dangereux pour les apprentis conducteurs, quand ils font leurs heures de conduite"... En plus d'apprendre à conduire, il faut aussi apprendre à éviter les trous, les fissures, avoue, un brin ironique, le moniteur.
Les apprentis conducteurs ne sont pas les seuls à faire des embardées, les cyclistes sont également concernés. Richard se déplace à vélo et avoue devoir faire des écarts à cause des "creux et des bosses". Une manipulation parfois dangereuse, "par rapport aux voitures qui nous doublent", explique le cycliste.
La municipalité a bien conscience du vieillissement de ses routes, mais, face aux efforts financiers que doivent déployer les communes, elle n'a pas les moyens de faire des gros travaux. "Là où il faudrait refaire des tronçons, enrober un tapis sur 300 ou 500 mètres, on va privilégier des micro-interventions, justement pour boucher les nids-de-poule... On essaie de maintenir la rue, pour qu'elle tienne encore trois à cinq ans, et on repousse l'entretien un peu lourd de ces voiries", se défend Loïc Gachon, maire socialiste de Vitrolles.
"Pas de financement pour des gros projets"
Les gros chantiers sont alors reportés, dans l'attente d'obtenir des aides. L'État favorise le cofinancement de projets tournés vers les mobilités douces, au détriment des routes, qui sont pourtant toujours très empruntées explique Loïc Gachon. "La voirie n'a pas la cote en termes de projets à cofinancer et les fonds de transitions sont dédiés, parfois, aux pistes cyclables, mais ne financent que cette piste et pas le reste de la voie. Donc on n'a pas de financement pour des gros projets", regrette l'élu.
Le maire de Vitrolles a, par exemple, reporté récemment, le réaménagement d'un boulevard très emprunté par les vélos, car pour construire une piste cyclable, il fallait aussi refaire la route et les trottoirs. Un projet à plusieurs millions d'euros, que la ville ne peut pas financer seule.