À Mayotte, Marine Le Pen cultive son terreau ultramarin

La dernière fois que Marine Le Pen est allée à Mayotte, la chef de file des députés du Rassemblement national (RN) s’était laissée emporter par les traditions locales. C’était en avril dernier, en pleine campagne des élections européennes. Sur une des photos prises sur place, la députée du Pas-de-Calais est installée confortablement sur une chaise, après avoir rencontré des Mahorais au carrefour de Ngwezi, près de Chirongui. Dès son arrivée, les habitants, des femmes, l’avaient coiffé à la mode de Mayotte, avec un haut tout en couleur, rouge et or, et un salouva, la tenue traditionnelle des femmes mahoraise, aux couleurs des fleurs d’ylang-ylang. Déjà, au moment de descendre les marches de son avion, des couronnes de fleurs attendaient la «candidate naturelle» du parti nationaliste à la prochaine élection présidentielle.

Ce dimanche, Marine Le Pen retourne à Mayotte pour trois jours et la situation sera forcément différente d’avril dernier. La catastrophe du cyclone Chido, le plus dévastateur depuis 90 ans, est passée par là, avec son nombre incalculable de victimes : 39 morts, et un peu plus de 5 600 blessés, selon un bilan, très prudent mais officiel. Plus d’un tiers des foyers reste encore sans électricité et les bidonvilles de l’île ont été rasés.

Ce n’est pas un simple déplacement pour Marine Le Pen, qui veut continuer à entretenir le rôle qu’elle se donne de première opposante au pouvoir, et sa stature présidentielle. C’est aussi un coup de pression politique. Deux autres hommes sont allés sur l’île avant elle, Emmanuel Macron le 19 et 20 décembre dernier, et François Bayrou, le nouveau premier ministre, en ce début de semaine. Les deux têtes de l’exécutif ont égrené les mesures, d’urgence et de plus long terme.

Mayotte était déjà dans la tête de Marine Le Pen lors de ses vœux du nouvel an. «Vous avez subi le pire, vous avez vu passer la dévastation», avait-elle déclaré, avant d’ajouter : «Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour accélérer l’aide dont vous avez besoin». La présidente du groupe parlementaire du RN avait jugé que «les annonces faites par le Premier ministre pour Mayotte vont incontestablement dans le bon sens». «Nous formons le vœu que les espoirs des Mahorais ne soient pas à nouveau trahis et que ce plan soit mis en œuvre et respecté. Comme députés, nous veillerons, bien sûr, au respect de la parole donnée», avait-elle insisté.

À Mayotte, Marine Le Pen cultive son terreau ultramarin, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. La petite île de l’Océan indien est au centre de la vision mariniste. La crise migratoire, l’insécurité endémique et la pauvreté qui touchent le dernier né des départements français sont, comme l’avait affirmé la future candidate du RN en 2021, «un symbole de ce que nous pourrions vivre demain». «Mayotte est en train de vivre notre futur», prophétise-t-elle souvent.

L’île rend bien à Marine Le Pen les attentions que cette dernière lui porte. Au moment des élections législatives anticipées de juin dernier, le RN a fait élire une députée, Anchya Bamana, dans la deuxième circonscription. La première est détenue par la très médiatique Estelle Youssouffa, du groupe Liot. Les scores électoraux du RN, eux, ont considérablement augmenté. Lors de la présidentielle 2012, seuls 2,77 % des Mahorais (996 petites voix) avaient voté pour Marine Le Pen, candidate du Front national. 10 ans plus tard, elle récolait 59.1% au second tour face à Emmanuel Macron.

Pour son déplacement, Marine Le Pen «rencontrera la sécurité civile, puis ira à la rencontre des habitants». Il y aurait aussi «un temps d’échange prévu en fin d’après-midi dimanche à Mamoudzou avec des sinistrés». La suite de son programme, lundi et mardi, est encore floue, mais «l’objectif est d’aller à la rencontre des sinistrés sur plusieurs points de l’île», prévient son entourage.

Tous les proches de Marine Le Pen souligne une particularité de l’île : plus de 95% des habitants sont de confession musulmane. «C’est un fait qui annule toutes les accusations de ’racisme’ ou ’d’islamophobie’ à notre égard», note un de ses lieutenants, avec gourmandise. En décembre 2021, lors de la campagne présidentielle, avant une réunion publique de la candidate du RN, un responsable religieux était monté sur scène et avait lancé une prière en arabe. Les Mahorais, eux, ont trouvé un surnom à Marine Le Pen : «Tata Mariama».