«Elle parle comme une propagandiste russe» : Angela Merkel critiquée après avoir laissé entendre que la Pologne et les pays baltes portent une part de responsabilité dans la guerre en Ukraine
Dans une interview accordée à un média hongrois, l’ex-chancelière allemande est revenue sur les débuts du conflit en Ukraine, soulignant la réaction frileuse de la Pologne et des pays baltes face à sa proposition de négociations conjointes avec Poutine en 2021. Ses propos ont suscité de fortes réactions, tant en Allemagne que dans les pays visés.
Passer la publicité Passer la publicitéLes propos ont fait l’effet d’une bombe dans les pays de l’Est. Dans un entretien accordé au média hongrois en ligne Partizán, au cours d’une visite à Budapest, Angela Merkel a livré sa vision des différents déclencheurs de la guerre en Ukraine. Selon la chancelière, qui présentait la traduction hongroise de ses mémoires, une étape décisive a eu lieu à l’été 2021, au moment elle aurait senti que «les accords de Minsk n’étaient plus pris au sérieux» par Vladimir Poutine.
Conclus en 2015, ces accords devaient mettre fin aux divers conflits dans les régions séparatistes de l’est de l’Ukraine. Six ans plus tard, en compagnie d’Emmanuel Macron, la chancelière, 71 ans, voulait instaurer une nouvelle forme d’échange entre l’Union européenne et la Russie, pour communiquer plus directement avec le maître du Kremlin.
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Une demande qui aurait été alors rejetée en bloc par les pays d’Europe de l’est. «Certains ne soutenaient pas cette idée. Il s’agissait principalement des pays baltes, mais aussi de la Pologne, qui craignait que nous n’ayons plus de politique commune vis-à-vis de la Russie. Quoi qu’il en soit, cela ne s’est pas fait. Puis j’ai quitté mes fonctions, et c’est alors que l’agression de Poutine a débuté», retrace-t-elle.
Ces propos, qui ont eu un écho relatif en Europe de l’Ouest, ont créé une vive polémique dans les pays ciblés par l’ancienne chancelière. En Pologne, l’ex-premier ministre polonais Mateusz Morawiecki l’a qualifié de «l’une des personnalités politiques allemandes les plus nuisibles à l’Europe du siècle dernier», avant de tancer sa prise de parole médiatique «irréfléchie». De son côté, l’eurodéputé Waldemar Buda a jugé que l’accord voulu par Angela Merkel aurait mené à la «partition» de l’Ukraine.
L’ex-chancelière s’est également attiré les foudres des personnalités des pays baltes, dont ceux du ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna, qui pointe «le refus de Vladimir Poutine» à «accepter l’effondrement de l’Union soviétique» et d’abandonner «ses ambitions impérialistes». Tout en critiquant des propos «honteux et inexacts», Margus Tsahkna désigne le rôle de l’Occident à ne pas prendre conscience de velléités russes. «Dans notre région, la véritable nature de la Russie a été comprise très tôt. Mais le monde occidental a préféré l’ignorer», précise le ministre.
«Elle parle comme une propagandiste russe»
«Le problème, c’est qu’elle suit le scénario du Kremlin pour diviser les Européens. Elle parle comme une propagandiste russe», accuse l’ancien ministre de la Défense letton Artis Pabriks, sur X. L’eurodéputé Rihards Kols, lui, a même qualifié les déclarations de Merkel de «révisionnisme historique». «Peut-être qu’une sérieuse introspection serait plus appropriée (...) car l’Europe paie aujourd’hui le prix de ses illusions», attaque l’élu.
«Il est surprenant que l’ancienne chancelière allemande tienne de tels propos aujourd’hui, alors que le régime russe devrait être évident pour tous. Je suis heureux que le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, ne partage pas les vues de Merkel», gronde l’ancien premier ministre letton Krisjanis Karins, cité par Politico. Ce dernier, dans la lignée des autres hommes d’État de la région, a blâmé le manque de compréhension de la nature de la Russie par certains pays européens dont «l’Allemagne et l’ancienne chancelière elle-même».
Passer la publicité«Je lui ai toujours dit qu’on ne pouvait pas traiter avec Poutine de bonne foi, mais elle pensait que les États baltes avaient tort. Je connaissais bien les opinions de Merkel, mais je suis étonné qu’après tout ce qui s’est passé en Ukraine, elle continue de penser de cette façon», poursuit l’ancien premier ministre. Interrogée après les propos de l’ex-chancelière, une porte-parole de l’ancienne dirigeante a justifié cette sortie en assurant que ces propos «n’étaient pas nouveaux», même si elle n’avait jamais mentionné la Pologne et les États baltes dans ses prises de parole précédentes.