Sommet sur l’IA de Paris : le besoin d’un « bouclier numérique »
Les 10 et 11 février prochains, se tiendra à Paris le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA). C’est un moment majeur au regard de l’évolution rapide de cette technologie, qui soulève de très nombreuses interrogations et inquiétudes légitimes.
L’IA investit tous les champs de notre vie et porte autant de promesses d’émancipation que d’aliénation. Aujourd’hui, son développement tient essentiellement dans les mains de quelques multinationales et son impact sur le monde est mésestimé, alors que d’urgentes questions d’ordre démocratique se posent. Récemment mis sur le marché, le chatbot chinois DeepSeek véhicule ainsi, sans avertissement, de fausses informations et n’offre aucune garantie de protection des données personnelles, comme l’américain ChatGPT d’ailleurs.
Ainsi et alors qu’il pourrait être un formidable outil au service du bien commun, le développement de l’IA est l’actuel enjeu d’une course folle au profit, qui a déjà des conséquences politiques et géopolitiques. Les résultats de l’IA sont spectaculaires en matière de diagnostics médicaux, de codage informatique, de chimie, de génétique… Mais les questions de droits d’auteur, de reconnaissance faciale, d’armements autonomes, d’espionnage et de bilan carbone n’ont toujours pas de réponse.
Armée, satellites, navigation spatiale… du fait des défaillances de la puissance publique, les « Big Tech » disposent aujourd’hui d’un pouvoir considérable dans de nombreux secteurs de nos sociétés.
À cela s’ajoute le fait que l’administration Trump a dévoilé son programme « Stargate » avec une mise de départ de 100 milliards de dollars consacrés à la recherche et au développement de systèmes d’IA « made in USA » . Elon Musk, lui, ambitionne d’asseoir toujours plus son autorité à travers son projet xAI et le régime chinois n’est pas en reste.
Et la France ? Les annonces d’Emmanuel Macron faites le 21 mai dernier paraissent bien insuffisantes. Tout comme la création, annoncée le 31 janvier, d’un Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle, qui aura ni budget ou ressources humaines propres et qui ne disposera d’aucun pouvoir de régulation.
Outre les seuls aspects techniques, nous sommes face à un tournant politique. N’ayons pas peur des mots, l’IA peut devenir une véritable « arme numérique de destruction massive », tant dans la sphère privée que dans la sphère publique. Le règlement européen « AI Act » apparaît être une défense bien trop légère face à la vigueur des attaques américaines notamment. Il y a donc besoin d’un véritable « bouclier numérique » à l’échelle mondiale, qui placerait l’humain avant le capital.
Un « bouclier » doté d’un arsenal juridique solide, d’une éthique numérique partagée, et qui pourrait s’appuyer sur une COP du numérique, sous l’égide des Nations unies afin de déployer une réelle régulation internationale. Le développement de l’intelligence artificielle doit être géré par les institutions publiques couplées à des autorités de contrôle et de régulation indépendantes, avec pour seul objectif de reprendre la main et de se saisir de l’IA pour régler les désordres de l’humanité et non y participer.
Nous sommes à un moment de bascule où toutes les manipulations sont possibles. Ce choc technologique entraîne un choc de civilisation. Deux chemins s’ouvrent : celui du progrès émancipateur ou celui de la tyrannie numérique. Il nous faut donc un sursaut politique, démocratique et citoyen à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Le sommet qui s’ouvre ne doit pas rater cette cible.
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