COP29 : tensions sur la finance climatique, le Bangladais Yunus déplore une bataille "humiliante"
Bien qu'il s'agisse de la question centrale des négociations climatiques en cours en Azebaïdjan, les pays semblent encore très loin d'un consensus sur la finance pour le climat, selon une nouvelle nouvelle ébauche d'accord publiée mercredi 13 novembre, au troisième jour de la COP29 à Bakou.
La plupart des pays en développement réclament dans ce document "au moins 1 300 milliards de dollars par an" d'aide des pays riches, parmi de multiples propositions.
Cette année, la COP29 (11-22 novembre) doit se conclure par un nouvel objectif pour la finance dans les pays en développement ("Nouvel objectif collectif quantifié", ou NCQG selon son sigle anglais) pour les aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et s'adapter au changement climatique.
Le nouvel objectif remplacera celui fixé en 2009, qui prévoyait que les pays riches fournissent 100 milliards de dollars de financements par an aux pays en développement, un chiffre péniblement atteint en 2022.
Une première ébauche de texte avait déjà été établie avant la COP par l'Égypte et l'Australie, désignées pour synthétiser des années de bras fer Nord-Sud. Mais ce texte avait été retoqué dès mardi unanimement par les pays en développement, qui le jugeaient trop favorable aux pays riches.
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Trois options sur la table
Un nouveau document mercredi intègre de nouvelles idées et propose trois options principales.
Une première reflète l'approche des pays en développement qui veulent voir le nouvel objectif reposer essentiellement sur l'aide des pays développés. La seconde traduit la position de ces derniers, qui veulent fixer un "objectif d'investissement mondial" en milliers de milliards de dollars, dont une partie avec leur argent public mais aussi avec celui des riches pays émergents. Et la troisième mixe les deux approches.
Les pays les moins avancés (pour l'essentiel en Afrique) demandent qu'au moins 220 milliards soient fléchés pour eux, et les petits États insulaires en développement 39 milliards.
"Le dernier texte de négociation, avec ses 34 pages, reflète toutes les options sur la table", à réduire d'ici la semaine prochaine, a souligné David Waskow, du groupe de réflexion World Resources Institute (WRI).
Des pays riches peu enclins à payer
Les pays riches jugent irréalistes de s'engager sur un millier de milliards ou plus d'aide, compte-tenu de l'état de leurs finances publiques et de l'absence de soutien des États-Unis de Donald Trump.
"C'est leur responsabilité de convaincre leur électorat" s'ils veulent maintenir en vie l'accord de Paris, estime un négociateur clé des pays en développement, interrogé par l'AFP.
"Si vous blessez quelqu'un, vous êtes censés dire pardon et faire amende honorable", rappelle-t-il aux pays développés, désignés comme responsables historiques du réchauffement climatique dans la convention de l'ONU Climat.
Dans les rencontres à huis clos au stade de Bakou, les pays riches n'ont pas encore dévoilé les hypothèses chiffrées de leur futur engagement d'aide, selon des négociateurs et observateurs interrogés par l'AFP, même si les montants de 200 ou 400 milliards sont évoqués dans les couloirs.
Pour les pays en développement, l'objectif final doit aussi prévoir explicitement que l'aide soit versée en majorité sous forme de dons plutôt que de prêts.
À ce stade, le texte "tente d'établir l'éventail des options plutôt que d'indiquer une direction particulière", a constaté Nina Seega, directrice de l'Institut pour la finance durable (CISL) de Cambridge, interrogée par l'AFP.
"Réparer" le problème climatique
De son côté, le dirigeant intérimaire du Bangladesh, Muhammad Yunus, a jugé mercredi auprès de l'AFP que devoir batailler pour de l'argent à la COP29 était "très humiliant" pour les pays les plus vulnérables qui subissent les conséquences d'un changement climatique dont ils ne sont pas responsables.
"C'est très humiliant pour les nations de venir demander de l'argent pour réparer (...) le problème que d'autres ont causé pour elles", a-t-il déclaré à l'AFP. "Pourquoi sommes-nous obligés de venir jusqu'ici pour négocier ? On sait très bien quel est le problème", s'est-il insurgé.
"Nous ne sommes pas dans un marché aux poissons", a poursuivi le pionnier de la microfinance, devenu dirigeant intérimaire du Bangladesh en août après l'éviction de la Première ministre Sheikh Hasina.
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Selon lui, les nations riches devraient mettre un chiffre sur la table. "C'est à vous de déterminer le montant nécessaire, pas à moi", a-t-il déclaré. "Il ne s'agit pas de marchander. Il ne s'agit pas de négocier. Il s'agit de trouver une solution".
Le Bangladesh est l'une des nations les plus exposées au changement climatique, avec de vastes zones basses constituées de deltas où le Gange et le Brahmapoutre serpentent vers la mer.
Ce pays de 170 millions d'habitants est particulièrement exposé aux risques d'inondations et de cyclones, des catastrophes qui ne peuvent que s'accélérer à mesure que la planète continue de se réchauffer.
En août, des inondations ont tué au moins 40 personnes et forcé près de 300 000 habitants à chercher refuge dans des abris d'urgence.

Avec AFP