Ligue 1 : Lorient s’apprête à basculer en multipropriété

Fondé en 1926, le FC Lorient s'apprête à basculer dans un modèle de multipropriété quasiment inévitable pour un club de cette taille, selon des experts interrogés par l'AFP, malgré les incertitudes sur les conséquences sportives d'un tel partenariat.

Discrètement, un dimanche soir de trêve internationale, le président Loïc Féry avait annoncé sur le site du club qu'il souhaitait voir le groupe américain Black Knight Football Club devenir dans les prochains mois «l'unique actionnaire du FCL».

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Le fonds d'investissement dirigé par l'Américain Bill Foley, déjà propriétaire du club anglais de Bournemouth et, depuis juin, des Portugais de Moreirense, détient 40% des Merlus depuis 2023, les 60% restant appartenant à M. Féry.

Il avait alors promis qu'il n'y aurait aucune évolution du capital «avant 2026, qui sera l'année du centenaire du club».

Rien de surprenant à ce que la question se pose maintenant, donc, d'autant que «malheureusement, (intégrer une structure de multipropriété est) une fatalité ou le devenir pour un très grand nombre de clubs français», estime Jérémie Bastien, maître de conférences en économie à l'Université de Reims et membre de la commission fédérale de la DNCG, le gendarme financier du football français.

De plus en plus inégalitaire

«Compte tenu de la conjoncture économique autour des droits télé (...) mais aussi des partenaires -- je pense notamment aux sponsors --, qui sont de plus en plus frileux, les clubs comme Lorient sont dans l'obligation d'aller chercher des investisseurs qui sont en général des investisseurs étrangers qui disposent de capital», précise-t-il à l'AFP.

Un phénomène européen -- même en Premier League, une majorité de clubs sont détenus en multipropriété --, mais qui ne peut que s'accélérer dans une L1 toujours plus inégalitaire.

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«Cette année, c'est quand même la première fois qu'il y a une telle discontinuité dans les budgets», remarque Luc Arrondel, chercheur au CNRS.

«On a Marseille-PSG d'un côté. Ensuite, vous avez Monaco, Lille, Lyon, Rennes (Stasboug et Nice)... Et puis vous avez un championnat où les budgets sont inférieurs à 60 millions, où sont tous les clubs qui luttent pour le maintien. Il n'y a que Lens qui s'en sort très bien avec un budget à peu près limité», détaille-t-il pour l'AFP.

Malgré les assurances de Loïc Fery, difficile de ne pas voir Lorient ne devenir qu'une succursale de Bournemouth, où ont déjà atterri deux des plus grosses ventes de l'histoire du club: Dango Ouattara en 2022 et Eli Jr Kroupi la saison passée.

La philosophie de Bill Foley est limpide: «un club uruguayen qui peut fournir un club belge, qui peut fournir un club français (...) Et Bournemouth sera au sommet de cette pyramide», avait exposé le milliardaire, qui a fait fortune dans les assurances, dans The Athletic, dès fin 2022.

Juste une étape

Outre Bournemouth et Moreirense, et en attendant Lorient, il détient aussi 25% dans le club croate du HNK Rijeka et prospecte en Belgique, en Scandinavie...

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Fort de ses réussites sportives -- il a remporté le championnat américain de hockey sur glace (NHL) avec les Vegas Golden Knights six ans après avoir créé l'équipe de toutes pièces --, Foley n'est pas du genre à partager le pouvoir.

Il a ainsi récemment revendu les 25% qu'il détenait dans le club écossais des Hibernians, faute d'avoir su imposer ses vues à la famille Gordon, actionnaire majoritaire.

«BKFC était déjà dans la structure du capital de Lorient. Ce n'est pas un inconnu qui arrive et il va, a priori, quand même viser aussi un développement de Lorient pour développer à plus long terme Bournemouth. C'est le seul élément d'optimisme que j'ai», tente de tempérer Jérémie Bastien.

«Dans le meilleur des cas, (cela peut aussi) bénéficier à Lorient, ça dépend de l'investissement qu'ils vont mettre», approuve M. Arrondel.

Mais «on n'a pas vraiment beaucoup d'exemples d'équipe dans une multipropriété, en étant un club satellite, qui aurait eu de gros succès sportifs», poursuit-il, citant Strasbourg et le BlueCo de Chelsea comme exception française. Pour le moment...