La dolce vita, The Square, Pulp Fiction... Les 10 meilleures palmes d’or de tous les temps selon Le Figaro
Qui succédera à Anora de Sean Baker, reparti l’année dernière avec la Palme d’or au Festival de Cannes ? Wes Anderson pour The Phoenician Scheme ? Ari Aster pour Eddington ? Les frères Dardenne avec Jeunes Mères ? En attendant de le découvrir lors de la 78e édition du rendez-vous cinématographique incontournable de la Croisette, qui se déroule du 13 au 24 mai, découvrez notre sélection des dix meilleures Palmes d’or.
La dolce vita de Federico Fellini (1960)
Les errances d’un chroniqueur mondain dans la Rome nocturne et décadente. Mastroianni traine son spleen sur la via Veneto, dans des soirées et des boîtes de nuit. Fellini lance le terme de « paparazzi », enchaîne les séquences d’anthologie (une statue du Christ suspendue à un hélicoptère, Anita Ekberg dans la fontaine de Trevi, une fête dans un château se terminant par un suicide, l’énorme poisson-lune sur la plage au petit matin). Sorrentino rendra un vibrant hommage au film avec La grande bellezza.
Un homme et une femme de Claude Lelouch (1966)
Veufs tous les deux, Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant se rencontrent à Deauville. Réalisé par un Lelouch de 28 ans, le film est devenu un classique, alliant virtuosité et naturel. Le présent en noir et blanc, le passé en couleurs (comme dans Bonjour tristesse), la Ford Mustang n°184, les planches, le rallye de Monte Carlo, un télégramme, le quai de la gare Saint-Lazare, des répliques inoubliables (« Vous avez des chambres ? »), le fameux chabadabada, on ne s’en lasse pas.
If… de Lyndsay Anderson (1969)
Les élèves d’une « public school » britannique (en dépit du nom, rien de moins public que ces établissements) se révoltent contre la discipline qu’on leur impose. Le film révéla, à la tête des rebelles, le tout jeune Malcolm McDowell, avec son insolence torve : Stanley Kubrick le repéra et l’engagea pour jouer Alex dans Orange mécanique. Sanctus, la B.O., fut un succès chez les disquaires. La scène finale où les pensionnaires grimpent sur les toits et mitraillent leurs professeurs est restée dans les mémoires.
Le messager de Joseph Losey (1971)
Gros suspense cette année-là sur la Croisette. Qui allait rafler la récompense suprême, Visconti et sa Mort à Venise ou Losey avec cette évocation d’un été dans le Norfolk au tout début du XX° siècle ? Sur la musique de Michel Legrand, un garçon sert de messager à la demoiselle de la maison qui a une liaison avec le fermier voisin. Il ne s’en remettra jamais, convaincu désormais que « le passé est une terre étrangère ». Le couple Julie Christie-Alan Bates produit des étincelles de sensualité.
Taxi Driver de Martin Scorsese (1976)
Un ancien Marine devenu chauffeur de taxi à New York décide de sauver une jeune prostituée. Jodie Foster arpentant en mini-jupe les trottoirs, De Niro dans une de ses performances les plus explosives avec sa coupe à l’iroquoise, Harvey Keitel en proxénète bien pouacre, Cybill Sheperd désorientée dans un cinéma porno, des phrases-culte (« You’re talkin to me ? »), la dernière partition du compositeur Bernard Herrmann, Scorsese décrochait là ses galons de grand cinéaste. Personne ne les lui a encore arrachés.
Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979)
Les superlatifs manquent pour qualifier cette œuvre folle et gigantesque de Copolla qui pouvait tout se permettre après le triomphe des Parrain . Le Vietnam comme si on y était. Il faudrait tout citer, le vol des hélicoptères au son de « La Walkyrie », Robert Duvall surfant sur les vagues au milieu des combats, les playmates en pleine jungle, Marlon Brando énorme et démoniaque. Françoise Sagan, présidente du jury, créa une sorte de scandale car elle aurait préféré voir couronner Le tambour de Volker Schlöndorff. Il n’y avait pourtant pas photo.
Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994)
Après Réservoir Dogs, le deuxième film de Tarantino casse la baraque avec cette ribambelle de gangsters sévissant à Los Angeles. On ne sait ce qu’on doit retenir le plus, entre l’échange à propos des Big Mac, la danse de John Travolta (qui s’offre ici une renaissance) et Uma Thurman, le braquage de la cafétéria ou le viol de Bruce Willis dans un sous-sol, Christopher Walken parlant d’une montre en or. Baignoires d’hémoglobine, bande-son aux petits oignons (que des tubes rock), dialogues staccato, tout cela a beaucoup plu au président Clint Eastwood qui mit tout son poids pour que cette bande dessinée en technicolor triomphe.
Le ruban blanc de Michael Haneke (2009)
D’étranges incidents se produisent dans un village allemand avant la Première Guerre mondiale. Un médecin tombe de son cheval. Des enfants sont kidnappés. Le pasteur est intraitable avec ses ouailles et sa progéniture. Haneke, dans un noir et blanc impeccable, montre avec une finesse implacable la montée de ce qui deviendra le nazisme. Le mal a le sourire innocent de gamins blonds. Même ceux que rebutent Funny Games et La pianiste demeurèrent confondus par ce long métrage qui égale les meilleurs Bergman. Certains allèrent même jusqu’à suggérer qu’on tenait là une nouvelle affaire Gary-Ajar, persuadés que l’Autrichien avait engagé une doublure pour passer derrière la caméra. Ah, Cannes et ses rumeurs…
The tree of life de Terrence Malick (2011)
Le choc. Un matin, la beauté rayonna sur l’écran de l’auditorium Lumière. Soudain, le public fut persuadé d’avoir face à lui un chef-d’œuvre. Il y avait tout, les origines du monde, la brutalité d’un père, le deuil, une nature omniprésente et filmée comme s’il s’agissait d’un chant d’amour. On découvrait une actrice rousse qui s’appelait Jessica Chastain. Elle tenait la dragée haute à Brad Pitt et à Sean Penn, ce qui n’est pas rien. En face, on avait aussi Melancholia de Lars von Trier. C’était une sacrée moisson, on peut dire ça.
The Square de Ruben Ostlund (2017)
Une légende s’effondrait : ainsi, une comédie pouvait avoir la palme. Il ne s’agissait pas de n’importe quelle comédie, n’empêche. Le Suédois pulvérisait le monde de l’art contemporain, pourfendait le politiquement correct, ne se gênait pas pour afficher un anarchisme réjouissant. Nul n’a oublié la migrante odieuse dans un fast-food, la dispute autour d’un préservatif utilisé, le dîner caritatif gâché par le numéro d’un faux gorille. Les bien-pensants s’offusquèrent. Tel était le but. Ostlund réitéra l’exploit en 2022 avec Sans filtre. Là, les bien-pensants s’étouffèrent carrément.