Conflit Israël-Iran : avec quels pays Téhéran continue-t-il de commercer, malgré les sanctions internationales ?

Depuis l’attaque lancée vendredi 13 juin par Israël sur l’Iran, les marchés sont fébriles. L’envolée des cours du pétrole le jour même et les inquiétudes sur la fermeture du détroit d’Ormuz montrent à quel point Téhéran reste un acteur central sur l’échiquier mondial en matière d’énergie. Sa production pétrolière est estimée aujourd’hui à 3,3 millions de barils de pétrole brut par jour, et le pays est aussi l’un des principaux exportateurs de gaz. Ainsi, en 2024, l’Iran se situait au 40e rang des économies mondiales, selon la Direction générale du Trésor. Mais ses relations commerciales sont largement impactées par les lourdes sanctions occidentales, provenant des États-Unis et de l’Europe, liée à sa politique d’enrichissement nucléaire, qui isolent économiquement le pays.

C’est pourquoi l’Iran est aujourd’hui tourné vers d’autres partenaires. Ses principaux fournisseurs sont ainsi la Chine, les Émirats arabes unis, la Turquie et la Russie. Ses importations sont dominées par les produits manufacturés (smartphones, automobiles, médicaments…). Ensuite viennent les produits agricoles et agroalimentaires, principalement des céréales comme du blé. L’Iran importe aussi du fer, de l’acier, et de l’or, précise Michel Makinsky, directeur général de la société de conseil Ageromys et spécialiste de l’Iran. «L’un des freins aux importations reste le paiement, car l’Iran n’a pas accès au dollar, aux circuits bancaires comme Swift et aux banques occidentales. En revanche, il a accès des circuits particuliers avec la Russie avec la Chine», décrypte l’expert.

La Chine, principal partenaire de l’Iran

Parmi ses principaux clients, on retrouve la Chine encore, la Turquie, l’Afghanistan et Taïwan. En géant pétrolier, l’Iran exporte majoritairement de l’or noir. «L’Iran parvient à exporter beaucoup plus de pétrole qu’on ne le pensait via des tankers, notamment en direction de la Chine, précise Michel Makinsky. Les bateaux se déchargent au large de la Malaisie et des tankers chinois les récupèrent pour les livrer à des raffineries “indépendantes” situées en Chine. Récemment, les États-Unis ont sanctionné l’une de ces raffineries en guise d’avertissement.» En dehors du pétrole, la pétrochimie représente un tiers des exportations iraniennes, les condensats de gaz 11%, les denrées agricoles (comme des dattes et les pistaches) environ 10%, selon la Direction générale du Trésor.

Dans ce contexte, la France, autrefois partenaire économique de premier plan de Téhéran, a vu ses relations commerciales avec l’Iran s’effondrer depuis vingt ans. En cause, le rétablissement des sanctions américaines et européennes à partir de 2011 contre l’Iran, en raison des inquiétudes sur son programme nucléaire, qui a largement réduit les échanges entre les deux pays. Ils ont ainsi chuté de 4,3 milliards d’euros en 2006 à 515 millions en 2014, selon la Direction générale du Trésor. La signature de l’Accord de Vienne en 2015 - permettant une levée progressive des sanctions en échange d’un contrôle sur le programme du nucléaire iranien - avait signé une reprise timide des échanges commerciaux franco-iraniens. En 2016, la levée officielle des sanctions avait provoqué un vrai boom des échanges (+239%, à 2,1 milliards). Les relations s’étaient alors quasiment rétablies au même niveau qu’en 2006, la France devenant dès 2017 le deuxième partenaire commercial de l’Iran.

L’Iran 104e partenaire commercial de la France

Mais le sursaut a été de courte durée. Le rétablissement des sanctions américaines en 2018, avec la sortie des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, a cassé cette dynamique. Depuis, les échanges économiques entre la France et l’Iran ne font que diminuer. Pour preuve, les exportations françaises en Iran en 2024 ont diminué de 10% par rapport à 2023, pour s’élever à 255 millions d’euros. Aujourd’hui, l’Iran est le 104e partenaire commercial de la France, derrière par exemple le Congo et la Mauritanie. Quelques entreprises françaises subsistent dans le pays. La France y exporte des produits pharmaceutiques (médicaments et dispositifs médicaux) qui sont exemptés de sanctions, tout comme les denrées agricoles et alimentaires. La France y exporte aussi des produits chimiques, des parfums et des cosmétiques, ainsi que des produits manufacturés divers.

Quant aux importations, Paris n’achète quasiment plus de pétrole à Téhéran (47 millions d’euros), faisant de l’Iran notre 124e fournisseur, selon le Trésor. Parmi les rares importations subsistant en provenance du pays du Moyen Orient figurent des produits des industries agroalimentaires iraniennes (pistaches, épices…), de la métallurgie ainsi que des tapis, cosmétiques et parfums. Au niveau de l’Union européenne, la tendance est similaire : les échanges avec l’Iran ont diminué de 43% sur la période 2017-2024. La France est passée du 2e au 4e rang des fournisseurs européens de Téhéran et compte pour 5% des exportations européennes vers l’Iran, juste derrière l’Allemagne. «En France, le gouvernement freine les transactions avec l’Iran, tandis qu’en Allemagne, malgré un langage politique dur à l’égard du pays, les autorités continuent de pousser les entreprises à y travailler», observe Michel Makinsky.