«Soumission à Dieu» : quand Jean-Luc Mélenchon assume avoir «changé son regard» sur le voile islamique
C’est de notoriété publique, Jean-Luc Mélenchon a opéré en quelques années, sur la question du voile islamique et de la laïcité, une volte-face complète. En 2010, il qualifiait le voile de «signe de soumission patriarcale». Il affirmait aussi dans une interview à Marianne, au sujet de la candidature d’une femme voilée aux élections régionales pour le NPA, que porter le voile était comme «s’infliger un stigmate».
En 2015, il contestait aussi l’utilisation du terme «islamophobie» et martelait que le voile était «un signe de soumission». Et jusqu’en 2017 encore, lors de sa campagne à l’élection présidentielle, le chef de la France insoumise déclarait avec son sens habituel de la formule : «Je ne vois pas où Dieu s’intéresserait à un chiffon sur la tête».
Dans un très long entretien paru en ligne cette semaine à l’occasion de la traduction en anglais de son livre paru en 2023 Faites mieux ! Vers la Révolution citoyenne, Jean-Luc Mélenchon explique avoir complètement changé d’avis et donne le détail de ce revirement d’opinion. «Le seul texte qu’on ait sur le voile en tant que soumission de la femme à l’homme, il est chrétien, c’est Saint Paul qui le tient et qui oblige les femmes à se couvrir pour se soumettre à l’homme», commence-t-il d’abord, semblant oublier que les épîtres du Nouveau Testament sont difficilement comparables, en raison de leur nature même, puisqu’elles sont des commentaires d’hommes et non la parole de Dieu elle-même, révélée et dictée directement au prophète Mahomet comme dans le Coran. C’est notamment pour cette raison que cette seule recommandation de Saint Paul, d’ailleurs seulement dans un contexte de prière, a suscité des interprétations très libres et différentes en plusieurs siècles de christianisme.
«Changé de regard»
«Dans l’islam, j’ai posé la question à des copines qui étaient voilées», dit-il ensuite. «Toutes me disent ’mais tu as rien compris, je ne me soumets pas à l’homme, je me soumets à Dieu et j’attends de mon homme qu’il se soumette aux consignes que Dieu lui a données me concernant, de respect de ceci, de cela’», explique Jean-Luc Mélenchon qui admet que ces «discussions de la vie» ont «changé son regard». «Je me suis dit que c’était des arguments que je pouvais entendre mais par contre qu’il y avait des arguments que je ne pouvais pas entendre, c’est la haine des musulmans», a-t-il aussi poursuivi.
Dans le Coran, seulement deux sourates recommandent aux femmes de se couvrir (31 et 59), demandant notamment aux croyantes en général «de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît» ou présentant le voile comme un moyen «ne pas être offensées», sans cependant mentionner spécifiquement la tête. Le Coran ne mentionne pas non plus le mot «hijab». D’autres textes de la tradition islamique comme certains hadiths, paroles rapportées du prophète Mahomet, donne davantage de détails. Mais de manière générale, la plupart des écoles musulmanes ont toujours considéré le voile comme une obligation religieuse même si la manière de le porter varie.
«Des fantômes»
En 2019, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait réaffirmé que «le port du voile est une prescription religieuse» sans cependant s’aventurer sur la justification. Le CFCM dénonçait à cette occasion «l’hystérie islamophobe agressive, voire criminelle qui s’est installée dans notre pays».
«Souvent, nous les Français les plus engagés comme c’était mon cas, considérons que la laïcité est un athéisme d’État», a aussi estimé Jean-Luc Mélenchon dans son entretien. «Ce que n’est pas la laïcité, c’est le prétexte à l’islamophobie, parce que je découvre beaucoup de nouveaux laïques depuis quelque temps, dont la spécialité est l’islamophobie qui est une islamophobie injurieuse», martèle-t-il ensuite.
Un positionnement qui n’étonne plus, mais qui contraste toujours davantage avec celui de l’ancien président du Parti de gauche qui s’opposait notamment en des termes sans équivoque au voile intégral. «Moi je considère que c’est un traitement dégradant et je considère que c’est une provocation d’un certain nombre de milieux intégristes contre la République», disait-il face au chroniqueur de l’émission On n’est pas couché, Éric Zemmour, approbateur. «C’est obscène cette histoire de burqa, ça part de l’idée que les hommes ne sont que des prédateurs», ajoutait-il encore avant de conclure : «Dans ce pays, on va vivre ensemble et on ne se trimballera pas avec des fantômes qui se promènent dans la rue et qui interdisent qu’on les regarde».