JO - «Surdoué», «pas imbattable », « gros bosseur »… Léon Marchand raconté par ses anciens adversaires et coéquipiers
Quelle fierté peut-on tirer d’avoir côtoyé adolescent une future superstar ? Qui plus est quand celle-ci était un adversaire à battre ? Tous les nageurs prometteurs nés au début des années 2000 connaissent en ce moment cette douce sensation d’avoir partagé les bassins avec Léon Marchand. Une génération qui s’est frottée sur chaque compétition, chaque championnat de France et chaque entraînement dès le plus jeune âge au désormais quadruple champion olympique de natation. Le jeune toulousain a laissé une trace indélébile dans l’esprit de tous ses coéquipiers et encore plus à ses adversaires. « Depuis jeune, il a toujours été décrit comme talentueux, c’est un mot qui revenait souvent », se souvient Thomas Fargeot, son coéquipier au prestigieux club toulousain du TOEC.
Toutefois, bien que talentueux, Léon Marchand n’a pas écrasé les chronos dans ses jeunes années, entre 14 et 16 ans. Etant surclassé dans la catégorie d’âge supérieure, il faisait face à des adversaires plus développés physiquement que lui. « Léon (2002) nageait avec les 2001. On peut dire qu’il était gringalet, sourit Léo Riguidel, ancien nageur de Chartres et concurrent direct de Léon Marchand chez les jeunes. Il était très fin et plus petit que tout le monde. »
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Quelques nageurs peuvent donc se vanter d’avoir battu la future étoile des piscines à la régulière. « À 16 ans, j’ai fini deuxième des Championnats de France et lui troisième, se satisfait Léo Evrard, ancien membre de l’Olympique Nice Natation. Avec un an de moins, il était déjà très bon mais il n’était pas imbattable. » « Ni à l’entraînement, ni en compétition», confirme Louis Godefroid, membre du groupe élite du TOEC depuis 2018.
«Un gros bosseur»
« On avait tous parié sur lui. Il aurait fallu être d’une sacrée mauvaise foi pour ne pas s’attendre à le voir accomplir de grandes choses », ironise Thomas Fargeot. Car Léon Marchand bénéficiait d’une qualité fondamentale pour devenir un nageur de très haut-niveau : la glisse. « Il avait une capacité aquatique bien supérieure aux autres. Les coachs ont toujours été bluffés par son aisance naturelle », poursuit-il.
Technicien hors pair aujourd’hui, Marchand impressionnait déjà dans ce domaine il y a un peu plus de dix ans. «Quand j’ai rencontré Léon, j’étais encore plus rapide que lui mais je me suis dit dès le début qu’il allait super vite pour sa taille. Il a ce truc du surdoué que les autres n’ont pas. À l’époque c’était une motivation pour tous les nageurs qui avions le même physique que lui. Si lui peut aller aussi vite, on peut le faire », détaille Léo Riguidel.
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Au-delà de son talent, ce qui a peut-être distingué le Toulousain des autres nageurs de sa génération est sa capacité de travail. Antonyn Bonnel, ancien nageur du centre nautique de Saint-Michel-sur-Orge, a longtemps côtoyé le Français lors des stages en sélection nationale. « On a toujours su que c’était un gros bosseur ! Déjà à 14-15 ans, il encaissait un très gros volume d’entraînements », explique-t-il. « Plus largement, c’est un mec en or. Je ne l’ai jamais entendu se plaindre aux entraînements, témoigne Guillaume Roux, ancien capitaine de l’équipe de France aux Championnats du monde juniors. Il avait toujours en tête de progresser, de passer les étapes mais sans se prendre la tête. »
La puberté a tout changé
À la fin de l’adolescence, les choses changent. Son physique se développe, il prend de la masse musculaire et se rapproche des statures des nageurs légèrement plus âgés que lui. Le rouleau compresseur est lancé. « Le jour où j’ai compris qu’il était devenu un monstre c’était aux Championnats de France élite en petit bassin en 2018 à Montpellier, se souvient Antonyn Bonel. Dès qu’il nageait le matin, il se qualifiait automatiquement en finale tout en faisant la meilleure performance française (MPF) de son âge, voire de l’âge du dessus. Et ça uniquement pour revenir l’après-midi en finale, la remporter en refaisant une MPF. »
Année après année, plus personne ne le rattrape. Le prodige prend son envol définitivement et surclasse toutes les catégories. « Il avait 17 ans, moi 18. Il est devenu intouchable. On s’est tous dit qu’il faisait ch... car il nous a largement dépassés et on ne l’avait pas forcément vu venir», souffle Léo Evrard.
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En combinant sa technique, son aisance naturelle et son nouveau physique, le missile se dote d’une capacité de coulées et d’ondulations hors du commun, qu’on lui connaît aujourd’hui. Lors d’un stage en 2019 à Font Romeu de préparation des jeunes à l’échéance Paris 2024, Antonyn Bonel s’étonne de la puissance concentrée dans les jambes de Léon Marchand. « À la verticale, il arrive à hisser son corps hors de l’eau seulement en faisant des ondulations. J’étais avec lui sur les séries d’entraînements mais je ne pouvais jouer avec lui que sur les premières séries. Je me dit que je suis content d’avoir connu l’équipe de France avant qu’il n’arrive. » Rappelons toutefois qu’à cette époque, Léon Marchand n’est pas encore parti aux États-Unis, pays dans lequel Bob Bowman lui a fait prendre une nouvelle dimension, celle du nouveau roi de la natation mondiale.