« Un grand bond en arrière vers l’ORTF » : à Amiens, les journalistes de France 3 et Ici Picardie dénoncent la réforme Dati

Amiens (Somme), correspondance particulière.

« Dati, démission ! » La conclusion est évidente pour la cinquantaine de personnes rassemblées pour défendre l’audiovisuel public ce 27 juin devant l’hôtel de ville d’Amiens (Somme). Au micro, des salariés d’Ici Picardie (ex-France Bleu) et de France 3 Picardie, par ailleurs syndicalistes CGT, CFDT et SNJ (Syndicat national des journalistes), fustigent la proposition de loi défendue bec et ongles par la ministre de la Culture.

« Réunir deux médias (France 3 et Ici – NDLR) qui ne travaillent pas de la même manière, c’est produire des contenus de moins bonne qualité, diminuer le nombre de reportages locaux et cautionner les suppressions de poste », avertit la lettre qu’ils font signer, adressée aux députés locaux.

Benoît Henrion, journaliste à France 3 et membre du SNJ, résume ainsi la crainte générale : un « grand bond en arrière vers l’ORTF, qu’on appelait « télé-préfet » » et un pouvoir « très concentré dans une seule personne », le futur PDG de la holding France Médias, qui « serait nommé par l’Arcom, dont le président est lui-même nommé par le président de la République ».

Venue en soutien, la députée LFI Zahia Hamdane rappelle que son groupe est « vent debout » contre le texte. Léon Deffontaines, secrétaire de la section amiénoise du PCF et candidat déclaré à la mairie, dénonce « une volonté du gouvernement de mettre sous tutelle l’audiovisuel public ». « Le Rassemblement national est en embuscade, allié à certaines sphères médiatiques qui souhaitent privatiser l’audiovisuel public, souligne-t-il. Le pire, c’est que le gouvernement est perméable à ce type de discussion. »

« La pluralité des points de vue disparaîtra »

Aux craintes de demain s’ajoutent les réalités d’aujourd’hui. « On essaie déjà de nous faire entrer au chausse-pied dans la holding », assure Céline Autin, journaliste à Ici Picardie et déléguée CGT. « La moitié des journaux de la matinale ont été remplacés par des flashs réalisés à Paris », illustre-t-elle. Elle évoque aussi les matinales d’Ici, filmées et diffusées sur France 3 : « C’est du low-cost. France Télévisions et Radio France ont sous-traité la mise en image. »

La société Edenpress embauche des éditeurs visuels en CDD d’usage, dont les syndicats contestent la légalité pour des journalistes. « Ils n’ont pas accès aux banques d’images et font ce qu’ils peuvent avec les images d’archives de France 3 », ajoute la journaliste.

Ce qui peut entraîner de véritables accidents éditoriaux, comme, en octobre dernier, ce reportage radio sur une opération de vaccination dans un élevage de vaches – avec meuglements en fond sonore – illustré par des images d’un élevage… de moutons.

« La télévision et la radio, ce n’est pas le même média ! De la radio filmée, c’est à la fois de la sous-télévision et de la sous-radio », conclut Nicolas Marousez, technicien vidéo à France 3 Picardie et délégué CFDT. Si Ici et France 3 fusionnent, « la pluralité de points de vue disparaîtra, car une seule équipe sur le terrain déclinera un sujet pour la radio, la télévision et le Web », renchérit Mathieu Krim, technicien à France 3 Picardie, de la CGT. La volonté de faire des économies, déjà à l’œuvre dans les deux réseaux et réaffirmée dans le projet de loi, entraîne un sous-effectif dommageable à la qualité de l’information, estime Céline Autin.

Elle en veut pour preuve le traitement par sa locale de deux actualités récentes à Laon et à Saint-Quentin, dans l’Aisne, département où Ici Picardie n’a plus de journaliste détaché depuis deux ans : la mort de deux pompiers dans l’écroulement d’un immeuble et la vague d’intoxications alimentaires qui a causé la mort d’une jeune fille. Traitement qu’elle juge insatisfaisant à cause du manque de moyens.

« Un appauvrissement de la grille »

« On nous impose un programme musical identique sur les 44 stations (d’Ici) », complète Annick Bonhomme, animatrice à Ici Picardie et élue CGT. « Plus ça va et plus on fait de la radio en boîte. On craint de devenir des décrochages locaux d’une radio faite à Paris. » À la rentrée, l’émission sur l’environnement qu’elle anime chaque semaine, avec trois invités locaux, sera remplacée par un jeu. « Un appauvrissement de la grille », estime-t-elle.

Léon Deffontaines aussi craint « une dégradation de l’information locale », en prenant l’exemple d’habitants d’un quartier d’Amiens qui ont contraint leur bailleur social à engager des rénovations : « La victoire n’aurait pas été possible sans le relais des journalistes locaux », dans un territoire déjà marqué par des licenciements au Courrier picard, le quotidien local. Une préoccupation majeure, dont Esra Ercan se fait l’écho. Pour l’élue écologiste au conseil départemental de la Somme, il est clair que « nous avons besoin d’une information de qualité, vérifiée, avec un vrai travail de fond ». Et de conclure que « les médias locaux, eux, ont une connaissance de leur terrain ».

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