REPORTAGE."Ça me fait très peur" : l'intelligence artificielle inquiète les artistes qui réclament "un grand stop" et "des garde-fous"
À la veille du Sommet international à Paris sur l'intelligence artificielle, le monde de la culture exprime son inquiétude quant à ce que cette nouvelle technologie pourrait changer. L'IA générative, notamment, offre une possibilité infinie de générer du texte, des images ou des sons, à partir de contenus existants créés par l'humain. Une technique qui soulève de nombreuses craintes dans le secteur du théâtre, tout en exposant les limites de ce système.
"Un véritable danger"
Dans la grande salle de 400 places du théâtre de la Gaîté Montparnasse, les représentations s'enchaînent avec 13 spectacles qui tournent jusqu'au mois de juin. "Ça va de la comédie, au spectacle jeune public, aux humoristes, ou des choses un peu plus intellos avec des conférences", détaille la directrice du théâtre Angélique Thomas Colla. Une créativité menacée par l'intelligence artificielle estime-t-elle. "C'est un véritable danger, il faut faire vraiment un grand stop ou un grand feu rouge", alerte la directrice.
Dans les loges, à quelques minutes de monter sur scène, le stand-uppeur Julien Santini dit aussi "non merci" à l'IA. "Parce que ça me fait très peur. Mon travail c'est d'essayer de faire rire d'autres humains. Ma passion, c'est Le Guignolo, L'Incorrigible, Le Magnifique, avec Belmondo, dialogues Philippe de Broca. Je ne pense pas qu'il ait eu besoin de l'intelligence artificielle. Moi, il m'a fait rêver sans intelligence artificielle".
Des limites à l'IA qui "n'a pas de corps"
Chanteur et jeune comédien, Hadrian Levêque n'est pas inquiet pour son métier. "Ressentir en vrai, il n'y a rien de mieux, c'est un échange et ça l'intelligence artificielle ne pourra pas vraiment permettre ça", pense-t-il. Amaya Carrete, comédienne elle aussi, approuve, mais conserve des craintes pour son autre emploi de doubleuse à la télévision. Elle fait partie des personnes mobilisées. "Il y a beaucoup de pétitions, on fait beaucoup d'AG contre l'Intelligence artificielle. Oui, je suis inquiète, parce que cela peut nous enlever du travail et ça dénature complètement le propos."
"En incarnant des personnages avec notre voix on met des sentiments, on met du vrai, du corps et la machine n'a pas de corps."
Amaya Carreteà franceinfo
Être remplacé,à long terme, par une machine ? Le jeune régisseur Jean-Baptiste Héron s'interroge. "Ça peut être un gain d'argent de passer par une application qui, elle, ne tombera jamais malade et sera toujours opérationnelle". Mais en attendant, "il faut des garde-fous humains", précise-t-il. Je le vois sur les spectacles, il suffit qu'un comédien oublie une réplique ou soit malade, qu'il chante moins fort, ça, ce sont des réglages qu'une IA va vouloir atteindre mais si elle n'est pas préparée tout le spectacle peut passer à la trappe".
S'il partage les questions de ses collègues, Patrice Latronche, comédien et auteur parvient à se projeter. "On parle beaucoup d'Etats-Unis, de Chine. Pour ne pas être dévorés, l'Europe doit avoir sa place", estime-t-il.