Fin de vie : «Avec cette loi, mon mari ne serait plus là depuis 27 ans», alerte l’épouse de Cyrille Jeanteur, atteint du «syndrome de l’enfermement»
La loi sur la fin de vie ne s’adresse pas qu’à ceux dont le pronostic vital est engagé, alerte dans l’émission «Points de Vue» le médecin Magali Jeanteur. Présent à ses côtés sur le plateau du Figaro TV, son mari, Cyrille Jeanteur, atteint d’un «syndrome de l’enfermement», acquiesce en levant son pouce et en intensifiant son regard. Depuis plus de 27 ans, le handicap de ce polytechnicien l’empêche de s’exprimer mais il a tout de même des messages à faire passer, à l’aide d’un tableau alphabétique. Sa femme est devenue en quelque sorte son porte-voix.
Son mari, «en colère», appelle les députés à un «examen de conscience» avant de voter la loi. Car il est «un citoyen comme les autres et, par son vote, il a accordé sa confiance à des députés qui aujourd’hui pourraient le trahir». Magali Jeanteur invite toutes les personnes dites «éligibles à l’aide à mourir» - au nombre d’un million a minima selon une étude de la SFAP - à se rassembler ce samedi 24 mai, dès 14 heures sur l’esplanade des Invalides. Se défendant de toute position idéologique, le médecin craint des députés qu’ils ne votent «pas en âme et en conscience cette loi». «Un tiers d’entre eux sont même mal à l’aise» avec le texte actuel, rapporte-t-elle.
Malgré l’affection témoignée par ses proches, le soutien de l’État est crucial selon Magalie Jeanteur pour qui «la loi est avant tout faite pour protéger» . Le mardi 27 mai, la loi qui pourrait ouvrir un «droit à une aide à mourir» sera votée en première lecture par les députés. Selon l’aidante, plusieurs millions de personnes seraient éligibles à cause du «caractère flou» du texte. «Si une personne pense que sa qualité de vie n’est pas bonne, elle pourra demander [l’aide active à mourir]. Un paraplégique pourra par exemple la demander», craint-elle. «Si on laisse les gens tout seuls dans leur détresse et dans leur douleur, ce n’est pas leur rendre service».
À ses yeux, cette loi irait même jusqu’à s’introduire dans nos consciences respectives, car «on pourrait en venir à penser ce qu’on ne pense pas». Beaucoup «n’auront pas accès aux soins palliatifs et n’auront que l’aide à mourir comme alternative. Ce n’est pas juste», alerte-t-elle.
«Cyrille dit qu’il veut vivre et redemande à vivre, atteste Magalie Jeanteur, texte de son mari à l’appui. On suit jour après jour son existence. Il ne nous a jamais dit qu’il en avait assez de son existence». Et ce, même après 27 années de lourd handicap. «Il nous invite à nous dépasser, il est fier de ses enfants et tient son rôle de père», poursuit-elle en posant sa main sur le genou de son mari. Magalie Jeanteur persiste et signe: «Est-ce que ça vaut la peine de vivre dans cet état-là? A priori non, mais Cyrille le veut». «Une personne handicapée est d’abord une personne. Elle doit avoir la même égalité, la même fraternité que les autres. Ce n’est pas parce qu’ils sont handicapés, atteints d’une maladie grave ou mêmes moches qu’ils ne sont pas à traiter de la même façon», conclut-elle sous les yeux émus de son époux.