Alors que le front ukrainien dans la région russe de Koursk s’effondre depuis le samedi 8 mars et que les Russes plantent déjà des drapeaux au centre de la sous-préfecture de Soudja, l’état-major ukrainien a confirmé mercredi 12 mars avoir limogé le commandant opérationnel de la région « Nord », le général de division Dmitri Krasilnikov, chargé de la zone, a appris le média ukrainien Suspilne. L’ordonnance a été signée le 7 mars, un jour avant une audacieuse opération russe d’infiltration à travers un gazoduc qui a permis aux Russes de déstabiliser la défense ukrainienne dans ce saillant qui a fait à son apogée jusqu’à 1200 km2. Lundi, il se réduisait à quelque 200 km2, aujourd’hui beaucoup moins.
La nouvelle de ce limogeage a été annoncée dès mardi par la députée ukrainienne Mariana Bezuhla, membre du parti Serviteur du peuple de Volodymyr Zelensky, connue pour ses positions très dures contre le commandant en chef de l’armée ukrainienne, le général Oleksandr Syrsky. «Syrsky a congédié le général Krasilnikov, l’a jeté tout simplement dehors. Expérimenté, Dmytro Krasilnikov est l’un des rares cadres supérieurs à écouter ses subordonnés. Il le limoge à un moment critique, malgré la position du général Drapaty (commandant des forces terrestres) et du personnel du commandement opérationnel ’Nord’. Oleksandr Stanislavovitch (Syrsky, NDLR), vous êtes un menteur, un vengeur et un manipulateur», a écrit avec vigueur la parlementaire sur Facebook.
«La situation aurait été complètement différente»
C’est le général Syrsky qui a lancé début août l’offensive ukrainienne dans la région russe de Koursk, alors même que les Russes avançaient dans le Donbass. Ce fut un succès tactique au départ, mais des critiques ont rapidement émergé sur la pertinence stratégique de déployer autant de troupes sur le territoire russe. Des éléments de 20 brigades ukrainiennes ont été détectés dans le saillant aujourd’hui réduit à peau de chagrin, soit plusieurs dizaines de milliers d’hommes - jusqu’à 40.000, glisse une source militaire française.
«Syrsky ne réussit que par à-coups, à court terme, mais jamais par planification à moyen et long terme. [Pendant des mois], il a réussi à conserver d’une manière ou d’une autre les territoires de Koursk au détriment des territoires ukrainiens. Les envahisseurs connaissent parfaitement toutes les faiblesses de Syrsky, les ont apprises par cœur et s’adaptent désormais avec succès à ses initiatives personnelles. Si le président Zelensky avait écouté et renvoyé Syrsky au moins à l’automne, et donné au général Drapaty l’opportunité de diriger tous les fronts, la situation aurait été complètement différente», analyse Mariana Bezuhla, qui salue les récents succès du commandant des forces terrestres pour endiguer les Russes dans les régions de Pokrovsk et de Toretsk, où ils n’avancent plus et même reculent localement. Mais «les Russes prévoient d’entrer dans la région de Soumy», met-elle en garde, en évoquant la région ukrainienne en face de celle, russe, de Koursk, où Moscou a annoncé la semaine dernière la prise d’un premier village.
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Y a-t-il un lien entre le licenciement du général Dmitry Krasilnikov et le «retrait» de Koursk, s’interroge Suspilne. «Je suppose que oui, mais je ne veux pas en parler pour l’instant. Mon avis sur cette question est qu’il n’y a aucune raison valable à ce licenciement», a répondu au média ukrainien le général de division qui a déclaré que son adjoint, le général de brigade Oleksiy Shandar, lui succédait. Né en 1978, le général Krasilnikov a commandé le 34e bataillon de défense territoriale de la région de Kirovograd lors de la première guerre en Ukraine, pendant laquelle il a participé à la libération de Torestk (aujourd’hui en large partie contrôlée par les Russes), puis à la grande bataille de Debaltseve en 2015, après laquelle les accords de Minsk II ont été signés.
Au début de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022, Dmitry Krasylnikov a participé aux opérations pour repousser les Russes de la région de Kharkiv et empêcher leur prise de la ville éponyme. Le 28 février 2022, l’officier général a reçu le titre de Héros de l’Ukraine et l’Ordre de l’Étoile d’or. En mars 2023, il a été nommé commandant du commandement opérationnel «Nord». Il est désormais mis au placard dans un bataillon de réserve.