Ce jeudi 22 mai, à quelques kilomètres de Washington, le Trump National Golf Club accueillera un dîner aussi fastueux que controversé. À la table du président américain, pas de chefs d’État ou d’industriels triés sur le volet, mais les 220 plus gros détenteurs d’une cryptomonnaie au nom évocateur : le $TRUMP, «memecoin» lancé par le président des États-Unis à la veille de sa seconde investiture en janvier dernier. Parmi eux, les 25 investisseurs les mieux placés bénéficieront d’une audience privée avec le président, suivie d’une visite exclusive de la Maison-Blanche.
Présenté comme «l’invitation la plus exclusive au monde», l’évènement marque une tentative de relance pour la cryptomonnaie chahutée. Car si le jeton avait connu un démarrage spectaculaire, atteignant en deux jours une valorisation cumulée de 12 milliards de dollars, l’euphorie n’a pas duré. Dès fin janvier le lancement d’un «memecoin» concurrent au nom de Melania Trump a fait vaciller le cours. Après un pic à plus de 43 dollars, le $TRUMP est retombé à 11 dollars mi-mai. Plus de 80% des jetons restent aujourd’hui entre les mains d’entités liées à la Trump Organization, ce qui renforce la critique d’un actif conçu avant tout pour servir les intérêts du clan.
Aucun usage concret n’étant proposé, la cryptomonnaie conserve un profil purement spéculatif, et certains détendeurs ayant investi au plus haut se retrouvent aujourd’hui avec des jetons difficilement valorisables. La perspective d’un dîner avec le président a cependant ravivé l’intérêt : à l’annonce de l’évènement, le $TRUMP a repris près de 10% en une journée. Une embellie bienvenue pour un actif qui avait perdu plus de 75% de sa valeur depuis son pic de janvier. Plusieurs investisseurs ont même injecté des sommes supplémentaires pour espérer grimper dans le classement.
Possible conflit d’intérêts ?
Mais derrière l’opération marketing, les critiques se multiplient. En cause : les revenus engrangés par l’entourage du président, qui aurait touché plus de 320 millions de dollars en frais d’échange, selon les estimations de Chainanalysis. La quasi-totalité de la cryptomonnaie étant toujours détenue par des structures liées à la Trump Organization, l’accusation de «monétisation de l’accès au pouvoir» prend une tournure politique. Deux sénateurs démocrates, Elizabeth Warren et Adam Schiff, ont ainsi saisi l’Office of Government Ethics, l’organe chargé de prévenir les conflits d’intérêts au sein de la Maison-Blanche, évoquant une «crypto-corruption». Ils demandent l’ouverture d’une enquête. Si la cryptomonnaie $TRUMP entend capitaliser sur la popularité du président, elle interroge désormais sur un autre front : celle de la frontière entre stratégie politique et intérêts privés.