Éthiopie : l’inauguration d’un méga barrage très contesté relance les tensions diplomatiques dans la région du Nil

Après quatorze années de travaux et un coût avoisinant les cinq milliards de dollars, le Grand barrage de la renaissance éthiopienne (GERD) sera inauguré en grande pompe le mercredi 9 septembre dans la région de Benishangul-Gumuz, à l’endroit où coule le Nil Bleu. Si l’édifice long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres fait partie des barrages les plus puissants au monde, il suscite de vives tensions diplomatiques et territoriales dans une zone où la question de l’eau est primordiale.

Le Soudan, dont le barrage se situe à une trentaine de kilomètres de sa frontière et l’Égypte, qui entend retrouver son influence sur le Nil, accusent l’Éthiopie de vouloir diminuer leur approvisionnement, alors même que ces deux pays connaissent des pénuries d’eau et de production alimentaire. Pour contester ces actions, certains chefs d’États, notamment africains, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne se rendraient pas à l’inauguration.

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À l’heure où l’Éthiopie connaît une croissance démographique très importante, devenant avec 130 millions d’habitants le pays le plus peuplé d’Afrique derrière le Nigeria, le gouvernement d’Addis-Abeba a décidé de mettre l’eau au cœur d’une politique hydroélectrique d’ampleur.

«Un barrage illégal»

De nombreuses négociations plus ou moins réussies ont été organisées tout au long des travaux du barrage, achevés en juillet 2025. Dès 2010, l’ensemble des pays dans lesquels le Nil coule ont signé un accord qui leur permet de mettre en place des moyens d’irrigation et des barrages sans l’accord de l’Égypte. Pourtant, cette dernière qui dépend du fleuve pour sa propre consommation, autorise l’Éthiopie en 2015, à construire ce fameux barrage. Entre-temps, le contexte politique et économique de ses pays a radicalement changé et l’Égypte dénonce «un viol du droit international».

Le premier ministre d’Ethiopie Abiy Ahmed, tente de tempérer sur la situation et affirme que «l’énergie et le développement qu’il générera contribueront non seulement à l’essor de l’Éthiopie, mais aussi de toute la région. Le barrage d’Assouan, en Égypte, n’a jamais perdu un seul litre d’eau à cause du GERD».

Vers un conflit armé ?

Cette forme de «guerre de l’eau» entre l’Égypte et l’Éthiopie n’est pas nouvelle puisque cette dernière a remis en cause le traité de partage de 1929 qui limitait la possibilité pour l’Éthiopie de modifier le débit, le niveau ou encore la crue du Nil. Après la domination britannique, l’Égypte et le Soudan, signent un autre traité en 1959 qui donne aux deux pays nouvellement décolonisés, une très large partie des eaux du Nil dans le cadre de la construction du barrage d’Assouan.

L’hypothèse d’un conflit armé dans la région n’est pas à exclure, Le Caire a déjà proféré des menaces à plusieurs reprises contre l’Éthiopie. Cependant, le risque est faible selon le directeur adjoint du projet Corne de l’Afrique, Magnus Taylor : «Je ne pense pas qu’il y aura une escalade des tensions massive entre les deux pays. L’Égypte ne bombardera pas le barrage», a-t-il dit à l’ONG International Crisis Group.

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55 millions d’Éthiopiens vivent sans électricité

Avec l’inauguration de son barrage, l’Éthiopie tente de se démarquer et d’affirmer sa position politique et économique dans la Corne de l’Afrique. C’est en tout cas ce qu’affirme le porte-parole des Affaires étrangères Nebiat Getachew lors d’une conférence de presse : «L’achèvement du barrage est un symbole de l’autonomie africaine et du développement régional.»

Avec le barrage, l’Éthiopie entend ainsi développer son économie en attirant les investisseurs et en développant l’exportation de son électricité dans la région, alors que le pays reste affaibli par la guerre civile de 2022. Alors que 55 millions d’habitants n’ont toujours pas accès à l’électricité.

Bien que le projet soit aussi largement critiqué pour son impact écologique très néfaste, entre la déforestation et les émissions de polluants dans l’air, le barrage pourrait apporter à l’Éthiopie près d’un milliard de dollars par an, selon son premier ministre.